Cette fois-ci, la rigueur germanique est bel et bien prise en défaut avec une ampleur rarement atteinte : l’ouverture du nouvel aéroport de Berlin Brandenburg, initialement prévue pour 2012, ensuite reportée ŕ octobre 2013, est remise ŕ des jours meilleurs, en 2014 ou 2015, sans autres précisions de calendrier. Le transport aérien allemand ne sera évidemment pas paralysé pour autant mais les problčmes liés ŕ ce retard n’ont sont pas moins multiples. Et cela plus particuličrement pour Air Berlin, qui a beaucoup investi dans ce transfert, veut y implanter son principal hub et supporte de ce fait des dépenses considérables tout ŕ fait inattendues.
Berlin Brandenburg, baptisé aéroport Willy Brandt, souffre ainsi d’une image sérieusement écornée avant męme d’ętre ouvert au trafic. Or il se voulait symbole, fűt-il tardif, de la réunification du pays et de la modernité de la capitale. Il lui faudra longtemps, de toute évidence, pour remonter la pente, d’autant que les raisons avouées de ce plantage sont peu glorieuses, étant en grande partie liées ŕ la protection anti-incendie. On a d’autant plus de mal ŕ comprendre les raisons de cette accumulation de difficultés.
Brandenburg doit remplacer Tempelhof (déjŕ fermé) et Tegel. C’est un vrai-faux nouvel aéroport dans la mesure oů il intčgre l’une des pistes de Schönefeld qui fut la plate-forme de Berlin Est, implantée non loin du Mur (notre illustration). En un premier temps, il sera en mesure de recevoir 27 millions de passagers annuels, 45 millions ŕ plus long terme, ce qui fait dire, sans plus attendre, qu’il est sans doute sous-dimensionné. De plus, cette dérive peu glorieuse affecte un haut-lieu historique de l’aviation allemande, née dans la région avec les premiers envols non motorisés d’Otto Lilienthal de 1891 puis une visite mémorable d’Orville Wright en 1909.
Il n’est évidemment pas question de ces repčres anciens ces jours-ci. Mais plutôt d’une inquiétude croissante quant aux capacités allemandes de conduire une politique aéroportuaire cohérente et ŕ long terme. Mais ce n’est pas, tant s’en faut, une exclusivité des technocrates d’outre-Rhin.
Ainsi, au męme moment, on assiste ŕ un regain d’inquiétude quant ŕ la possibilité de Londres d’absorber la croissance réguličre du trafic alors que Heathrow et Gatwick sont au maximum de leurs possibilités, en termes de créneaux de décollage et d’atterrissage. Et il est ŕ nouveau question des multiples hésitations accumulées …depuis une soixantaine d’années face ŕ l’impérieuse nécessité de voir grand et loin. La revue mensuelle de la vénérable Royal Aeronautical Society rappelle, ce mois-ci, que les premiers échanges de vues relatifs ŕ l’avenir aéroportuaire de Londres remontent ŕ 1945. Et la premičre mention d’un nouvel aéroport côtier aux années soixante. Mais aucune décision n’est venue, rapports, commissions d’enquętes, groupes de travail ne menant ŕ bien.
Ce blocage a notamment conduit Gatwick ŕ battre année aprčs année ses propres records en recevant plus de 30 millions de passagers avec une seule et unique piste. Une situation qui présente un intéręt tout particulier, vue de France, dans la mesure oů elle ramčne la violente polémique qui entoure Notre-Dame-des-Landes ŕ son juste niveau. A savoir celui d’une tempęte dans un verre d’eau. Les Allemands, les Anglais, eux, sont confrontés ŕ un vrai problčme.
Pierre Sparaco - AeroMorning