Réhabilitée, désinhibée, décomplexée … après la lecture de cet opuscule de Martin Winckler – l’auteur à succès de « La maladie de Sachs » médecin et critique de séries télé – je peux à présent me vautrer dans mon addiction aux innombrables séries américaines (et aussi britanniques) et même parfois, françaises …
Petit éloge des séries télé est un survol de la matière narrative la plus proche de la vraie vie que sont les scénarios des séries télévisées. Car pour l’auteur, les séries ont la même importance et la même qualité que les romans, les ouvrages de sciences humaines, le cinéma, le théâtre, les expositions et les conférences. « Regarder une série n’est pas une activité exclusivement récréative, c’est une manière d’apprécier le monde. »
Alors, qu’elles jouent la continuité feuillettonnante ou compactent en 90 minutes une histoire en chacun de leurs épisodes, les séries décrivent les conflits les plus intéressants : les dilemmes personnels, les déchirements moraux de personnages devenus familiers. Une façon de s’entendre raconter une histoire, qui nous permet de progresser dans notre évolution, une manière toute humaine et caractéristique de toute civilisation. Nos modernes mille et une nuits …
Les séries télé sont des concentrés de travail d’équipe, en particulier de scénaristes, parfois mises en scène par de très grands réalisateurs – oh, combien j’aimerais trouver l’épisode de CSI tourné par Quentin Tarantino – et qui ont permis de rendre célèbres de très grands acteurs – je pense entre autres à George Clooney, ou Sam Waterston (Juge McCoy). Car leurs scénarios sont novateurs, en particulier aux Etats-Unis, où ils abordent sans tabou des thèmes actuels et difficiles : le racisme, l’homophobie, le retour de guerre, l’éthique médicale, la folie meurtrière … des scénarios résolument centrés sur des conflits qui ont nécessairement un impact sur la conscience collective.
Ce que nous en voyons en France n’en est qu’hélas – à quelques exceptions près - le pâle reflet. Comme l’auteur, j’ai souvent déploré le fait que les chaînes diffusent les épisodes à suivre dans le plus parfait désordre, la mauvaise qualité des doublages, l’incapacité du fait de la censure implicite des chaînes à produire des histoires originales et crédibles. Quelques rescapés : Préjudices, une mini-série de 22 minutes (Michel Reynaud) à la diffusion confidentielle de milieu d’après-midi, ou Avocats et Associés. Mais l’auteur ne cite même pas les fictions produites par Canal+ comme Mafiosa ou Braquo, ni celles de la BBC.
Mais c’est son parti pris et il assume. En dernière page, une « série » de 77 séries américaines à déguster, et pour moi une statistique : les trois séries les plus regardées au monde depuis dix ans sont « Les Experts (CSI)» et leur différents spin-off (ou dérivés) avec 981 épisodes, qui battent Star Trek (726 épisodes).
Petit éloge des séries télé, essai par Martin Winckler, édité chez Folio, 117 p. 2€.