La scène se passe à l’Opéra Garnier. C’est d’abord un piano noir, sobre. Le spectateur s’attend à retrouver cette voix si particulière, ces mélodies, ces mots qui ont toujours créé un univers et qui refont descendre le grand fleuve...C’était il y a combien d’années ? Dix ans ? Vingt ans ? Trente ? « Jivaro song » : 1968 !
Mais dans le spectacle « Symphonique », il y a décidément quelque chose de nouveau, quelque chose qui prend soudain aux cheveux. Dans un décor propice à la grande tragédie, ou à la grande comédie, c’est le « Songe d’une nuit d’été » qui s’empare du spectateur et qui le fait basculer.
Après les premières chansons, Julien Clerc quitte le piano et cite une analyse de Charlie Chaplin dans laquelle il parle des artistes... Les écrivains sont muets car ils gardent leurs effets pour les pages de leurs romans, les savants ne peuvent rien dire non plus car ils pétrifient ceux qui les entourent, les peintres jouent parfois les philosophes et par conséquent se trompent de sujet... et en définitive, ce sont les musiciens qui prennent le pouvoir sur le public. « Il n’y a rien de plus facile et de plus émouvant que le spectacle d’un orchestre... »
Et quand ce spectacle passe la réorchestration des mélodies de Julien Clerc, il se produit en effet un effet de transport, ce transport dont parle Charles Baudelaire » à propos du vertige de la musique...
La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile (...)