Sauver l’Histoire avec un scanner 3D

Par Memophis
 

Lorsque des talibans ont fait sauter deux statues de Bouddha datant du VIe siècle en Afghanistan, dans la vallée de Bamiyan, en 2001, une des merveilles antiques a été perdue pour le monde. La technologie moderne ne peut pas faire revenir ces objets, mais des scanners laser 3D et des photographies en haute résolution ont cette capacité d’aider à préserver d’autres parties de notre patrimoine culturel avant qu’ils ne succombent face aux catastrophes naturelles, aux actes de vandalisme ou aux autres ravages du temps.


Depuis la chute des bouddhas CyArk, une association à but non lucratif, basée à Oakland, en Californie, s’est focalisée sur la création de copies numériques de plus de 70 sites célèbres, dont les statues de Rapa Nui sur l’île de Pâques et de la ville en ruine de Ninive en Irak. La plupart des sites se trouvent dans des zones à tremblements de terre fréquents, inondables, ou en conflits.

Le dernier projet CyArk est d’analyser chacune des 21 églises espagnoles qui s’étendent le long de la côte Californienne entre San Diego et Sonoma. Les missionnaires du VIIIe siècle qui les ont construites pourraient ne pas avoir réalisé qu’ils bâtissaient El Camino Real presque exactement au-dessus de la faille de San Andreas. Certaines de ces structures, comme la Mission San Miguel Arcángel – dans le sud de la Californie – a déjà été réduite en un tas de gravats par des séismes.

Si l’organisation arrive à numériser toutes les bâtisses, avant que les prochains tremblements de terre frappent, il en restera au moins une trace, a dit le président de l’association, Tom Greaves CyArk, s’exprimant lors d’un événement en octobre, à la Mission Dolores – une église vieille de 236 ans à San Francisco.

C’est là-bas que CyArk a démontré le fonctionnement de la technologie. Une statue de St-François a paru être lentement balayée d’une ligne verticale de points verts, de la tête aux sandales.

Chaque faisceau a rebondi sur une surface de l’église et est retourné au scanner laser 3D placé en son centre. Ce dernier a été capable de mesurer le temps qu’il a fallu à chacun des milliers de ces petits faisceaux pour revenir. Caressant au plus près la surface des objets, le retour rapide des faisceaux au scanner a entraîné la création d’une carte 3D finement texturée. L’analyse complète a été achevée en six minutes, et moins d’une demi-heure plus tard, un technicien CyArk avait assemblé dans un modèle numérique 3D de l’église et toutes les personnes présentes à l’intérieur.

Aussi impressionnant que cela a été, cependant, l’équipement CyArk peut capturer des choses beaucoup plus grandes. En 2010, avec le Scottish Ten – une équipe de scan laser de Glasgow, au Royaume-Uni -, le groupe a entrepris de saisir le mont Rushmore. Pour capturer tous les angles du monument, ils ont dû construire un support spécial pour le scanner laser et le suspendre à des cordes devant les visages des présidents (voir l’histoire de cette aventure en anglais dans la vidéo ci-dessous).


L’image numérique qui en résulte permet aux visiteurs de se tenir presque sur le nez de George Washington. « Plus concrètement », a exprimé Lee, membre de l’équipe, « l’outil pourrait également être utilisé par les gardiens du monument afin de déterminer quelles zones du granit se déplacent et se fissurent, de sorte qu’ils puissent mieux l’entretenir ».

Mais prévenir les dégâts est loin d’être le secret le plus intéressant qui sont révélés par la reconstruction numérique. Après analyse récente de CyArk des têtes géantes des statues Moai de l’île de Pâques, par exemple, les chercheurs ont remarqué pour la première fois que les yeux des statues n’étaient pas face à la mer, comme tout le monde le pense généralement. Au lieu de cela, elles semblent regarder vers le bas.

Les têtes de l’île de Pâques sont notoirement mystérieuses. De même, le David de Michel-Ange a aussi été minutieusement examiné par une équipe de l’Université de Stanford, en Californie, qui l’a balayée au laser en 2001. Ils ont découvert que les yeux de David regardaient dans des directions différentes. Michel-Ange avait probablement fait cela délibérément, afin d’optimiser l’apparence de la statue sous des angles multiples.

La numérisation 3D n’est pas seulement pour les bâtiments ou les statues. La technologie peut reconstruire un ensemble de milieux naturels qui n’existent plus. « Par exemple, elle pourrait remettre en place des roches au sol », a expliqué John Meneely, de la Queens University à Belfast, au Royaume-Uni, « en recréant ce que nos ancêtres auraient vu depuis l’entrée de leur grotte, il y a 300.000 ans ».

C’est aussi là que la technologie va offrir des avantages à des personnes autres que les historiens et les archivistes : à terme, la technique développée pourrait conduire à des musées numériques offrant des répliques exactes. La Mission Dolores est l’un des 500 sites historiques que CyArk espère balayer comme une sorte d’espace de réalité virtuelle pour les visiteurs, observable longtemps après que les structures aient disparu. L’image de l’église est déjà disponible sur la toile, avec des photos haute définition qui ajoutent une couche de réalisme. Les visiteurs peuvent voler autour sur les extérieurs de l’église et un zoom peut être fait sur son autel orné. Pensez-y comme un musée dans The Matrix.

Il est trop tard pour les bouddhas, mais la préservation numérique porte déjà ses fruits dans d’autres lieux. En 2010, les tombeaux des rois du Buganda à Kasubi, en Ouganda, ont été incendiés par des pyromanes. Par chance, CyArk avait déjà numérisé ce monument. Lorsque les gardiens ont téléphoné à l’organisation pour demander si les tombes pourraient être reconstruites, le fondateur Ben Kacyra « a été ravi de dire oui ».

Le monde dans votre poche


Les scanners laser en trois dimensions peuvent produire des répliques parfaites de délicates structures archéologiques. Cependant, beaucoup d’entre eux sont onéreux et fastidieux à utiliser, et sont limités à des environnements facilement accessibles qui n’ont pas de coins et recoins que le scanner ne pourrait atteindre.

Bientôt, tout cela pourrait changer. Comment ? Grâce à un appareil portatif, développé par Robert Zlot et ses collègues du Laboratoire de Systèmes Autonomes CSIRO à Brisbane, en Australie, qui vous permet de numériser presque n’importe quel environnement en vous promenant simplement dans ce lieu.

L’appareil de poche, appelé Zebedee, balaie des informations sur son environnement à la volée. Entre chaque balayage, le logiciel propriétaire compare des cartes successives, identifie les surfaces déjà observées et chiffres en fonction des mouvements de l’utilisateur.

« C’est révolutionnaire », a déclaré Shane Rolton de l’institut Wysiwyg 3D, une entreprise de numérisation à Sydney, en Australie. « Le Zebedee peut être passé dans une zone que vous pouvez atteindre avec votre main ou avec une rallonge et a même été utilisé lors de la descente en rappel d’une falaise.

Cette portabilité extrême a permis à Zebedee de cartographier les Jenolan dans les Blue Mountains en Australie. Dans quelques temps, l’équipe utilisera Zebedee pour cartographier plus de grottes australiennes dans la plaine de Nullarbor dans le but de saisir l’art antique étude dans l’une des plus anciennes mines du monde.

Citations de New Scientist, Sara Reardon et Michael Slezak
Crédits médias :

  • Bouddha avant-après – CC Photo Bouddha par UNESCO, modifiée par Zaccarias
  • Mission Dolores © Robert A. Estremo
  • Vidéo du scan laser du Mt Rushmore – © Scottish Ten