Moins aventureux en apparence que certains de ses précédents romans, comme White spirit ou La fille du Gobernator, Confidence pour confidence est peut-être, de tous les livres de Paule Constant, celui où elle creuse le plus profondément la question de savoir comment et pourquoi une femme est une femme et pas autre chose.Pour y parvenir, elle en réunit quatre, des femmes, au lendemain d'un colloque comme il en est tant dans un pays - les Etats-Unis - où chaque «minorité» (s'agissant des femmes, le terme est pour le moins audacieux) a le besoin et le droit de s'exprimer en fonction d'une pensée dite politiquement correcte. Mais l'on sait que la représentativité des femmes est minoritaire dans la vie publique et induit, même chez certaines d'entre elles qui sont parmi les plus égalitaristes au meilleur sens du mot, une logique de quotas rendue nécessaire par les circonstances historiques où nous sommes, puisque notre présent est aussi une histoire, quand bien même elle s'écrira plus tard...Bref, Gloria Patter, professeur de littérature à Middleway, dans le Kansas, a invité quelques autres femmes pour un colloque, et trois d'entre elles se trouvent à son domicile une fois celui-ci terminé.Middleway: "un no man's land de la culture qui avait suscité par provocation la contre-culture du dérisoire et du plouc." L'endroit où se passent les choses n'est pas anodin: pourrait-il s'y passer autre chose qu'une discussion entre femmes? Ou, pour le dire autrement bien qu'avec prudence: une discussion entre femmes ne peut-elle se produire vraiment que dans un lieu situé hors des grands centres de culture? Il vaut la peine de s'interroger, bien que ce ne soit pas le propos de Paule Constant qui, d'ailleurs, parle bien peu du colloque.Son propos consiste plutôt à mettre en scène, avec Gloria, ses trois invitées : Aurore Amer est une romancière française où il serait facile de voir un double de l'auteur, si facile qu'il vaut mieux s'épargner cette hypothèse; Lola Dhol est une actrice passée de mode mais à qui Aurore, un peu plus jeune qu'elle, ressemblait beaucoup - et elle a joué avec cette ressemblance; Babette Cohen, la moins présente des quatre dans le roman bien qu'elle y joue son rôle, est d'origine pied-noir et enseigne dans la même université que Gloria.Elles ont beaucoup à se dire, ces femmes qui se jalousent et se désirent en même temps. Elles ont chacune un itinéraire singulier, dont quelques traces nous sont données dans le roman, mais sans jamais s'appesantir; on sait ce qu'on lit, et le reste, il faut le deviner. Les points communs sont, en tout cas, autant de points de départ pour des discussions qui n'en finissent pas. Des discussions? Il vaudrait mieux dire des mises en question par lesquelles chacune des protagonistes se définit mieux par rapport aux autres et par rapport à elle-même.Dans l'oeuvre de Paule Constant, ce roman vient comme une pause, mais une pause qui n'est pas de tout repos. Il s'agit presque, en effet, d'un huis clos où la légèreté de certains propos est souvent contredite par les lourdes implications qui se dissimulent à peine derrière eux. Il est question des hommes, bien sûr, et de la manière dont la vie avec eux pose des problèmes aigus. Il est question, aussi, de création, en particulier à travers un cas exemplaire de plagiat - sujet dans l'air du temps s'il en est.Gloria fait traduire par son secrétaire des passages importants d'un roman d'Aurore. Et les utilise pour bâtir un livre qu'elle s'attribuerait, sous le titre African woman. Babette en fait le reproche à Gloria. "Gloria s'irrita, elle lui parla successivement d'intertextualité et d'oralité, elle lui dit que la littérature n'appartenait qu'au lecteur comme la langue à celui qui la parle, qu'on ne pouvait plus rester le cul serré sur des copyrights d'un autre temps, que si Babette voulait parler de plagiat, tout le monde plagiait tout le monde!"Et l'on croit entendre à nouveau les arguments de Calixthe Beyala quand on l'accusait d'avoir plagié, entre autres écrivains, Paule Constant! Celle-ci plagie donc le discours de l'accusée et la boucle est bouclée, ce qui ne signifie pas que le débat est clos pour autant.D'ailleurs, un débat est-il jamais clos? Confidence pour confidence, qui les multiplie, les débats, pose plus de questions qu'il n'en résout. D'où les profonds échos qu'il éveille chez le lecteur.
Moins aventureux en apparence que certains de ses précédents romans, comme White spirit ou La fille du Gobernator, Confidence pour confidence est peut-être, de tous les livres de Paule Constant, celui où elle creuse le plus profondément la question de savoir comment et pourquoi une femme est une femme et pas autre chose.Pour y parvenir, elle en réunit quatre, des femmes, au lendemain d'un colloque comme il en est tant dans un pays - les Etats-Unis - où chaque «minorité» (s'agissant des femmes, le terme est pour le moins audacieux) a le besoin et le droit de s'exprimer en fonction d'une pensée dite politiquement correcte. Mais l'on sait que la représentativité des femmes est minoritaire dans la vie publique et induit, même chez certaines d'entre elles qui sont parmi les plus égalitaristes au meilleur sens du mot, une logique de quotas rendue nécessaire par les circonstances historiques où nous sommes, puisque notre présent est aussi une histoire, quand bien même elle s'écrira plus tard...Bref, Gloria Patter, professeur de littérature à Middleway, dans le Kansas, a invité quelques autres femmes pour un colloque, et trois d'entre elles se trouvent à son domicile une fois celui-ci terminé.Middleway: "un no man's land de la culture qui avait suscité par provocation la contre-culture du dérisoire et du plouc." L'endroit où se passent les choses n'est pas anodin: pourrait-il s'y passer autre chose qu'une discussion entre femmes? Ou, pour le dire autrement bien qu'avec prudence: une discussion entre femmes ne peut-elle se produire vraiment que dans un lieu situé hors des grands centres de culture? Il vaut la peine de s'interroger, bien que ce ne soit pas le propos de Paule Constant qui, d'ailleurs, parle bien peu du colloque.Son propos consiste plutôt à mettre en scène, avec Gloria, ses trois invitées : Aurore Amer est une romancière française où il serait facile de voir un double de l'auteur, si facile qu'il vaut mieux s'épargner cette hypothèse; Lola Dhol est une actrice passée de mode mais à qui Aurore, un peu plus jeune qu'elle, ressemblait beaucoup - et elle a joué avec cette ressemblance; Babette Cohen, la moins présente des quatre dans le roman bien qu'elle y joue son rôle, est d'origine pied-noir et enseigne dans la même université que Gloria.Elles ont beaucoup à se dire, ces femmes qui se jalousent et se désirent en même temps. Elles ont chacune un itinéraire singulier, dont quelques traces nous sont données dans le roman, mais sans jamais s'appesantir; on sait ce qu'on lit, et le reste, il faut le deviner. Les points communs sont, en tout cas, autant de points de départ pour des discussions qui n'en finissent pas. Des discussions? Il vaudrait mieux dire des mises en question par lesquelles chacune des protagonistes se définit mieux par rapport aux autres et par rapport à elle-même.Dans l'oeuvre de Paule Constant, ce roman vient comme une pause, mais une pause qui n'est pas de tout repos. Il s'agit presque, en effet, d'un huis clos où la légèreté de certains propos est souvent contredite par les lourdes implications qui se dissimulent à peine derrière eux. Il est question des hommes, bien sûr, et de la manière dont la vie avec eux pose des problèmes aigus. Il est question, aussi, de création, en particulier à travers un cas exemplaire de plagiat - sujet dans l'air du temps s'il en est.Gloria fait traduire par son secrétaire des passages importants d'un roman d'Aurore. Et les utilise pour bâtir un livre qu'elle s'attribuerait, sous le titre African woman. Babette en fait le reproche à Gloria. "Gloria s'irrita, elle lui parla successivement d'intertextualité et d'oralité, elle lui dit que la littérature n'appartenait qu'au lecteur comme la langue à celui qui la parle, qu'on ne pouvait plus rester le cul serré sur des copyrights d'un autre temps, que si Babette voulait parler de plagiat, tout le monde plagiait tout le monde!"Et l'on croit entendre à nouveau les arguments de Calixthe Beyala quand on l'accusait d'avoir plagié, entre autres écrivains, Paule Constant! Celle-ci plagie donc le discours de l'accusée et la boucle est bouclée, ce qui ne signifie pas que le débat est clos pour autant.D'ailleurs, un débat est-il jamais clos? Confidence pour confidence, qui les multiplie, les débats, pose plus de questions qu'il n'en résout. D'où les profonds échos qu'il éveille chez le lecteur.