On tue délibérément, lucidement, candidement avec des armes a-morales. Qui se préoccupe de tous ces morts?

Publié le 08 janvier 2013 par Donquichotte

Dans le Philosophie Magazine no 64

La bombe H au XVIIIe siècle

© Seb Jarnot pour PM

«Je tremble toujours qu’on ne parvienne, à la fin, à découvrir quelque secret qui fournisse une voie plus abrégée pour faire périr les hommes, détruire les peuples et les nations entières.» Montesquieu, Lettres persanes, 105

C’est étonnant comme cette prophétie de Montesquieu ne cesse chaque jour de se réaliser. Bien sûr il y eu ces bombes sur Hiroshima et Nagasaki, mais depuis, tant d’autres armes de destruction massive sont apparues. Et elles ne sont pas toutes des armes matérielles, physiques, techniques, technologiques.

Je prends prétexte de ce cet article paru dans Philosophie Magazine (PM No 64), sous la plume de Raphaël Enthoven pour essayer de cerner un peu mieux une vieille idée à moi :

« on tue chaque jour, c’est un secret bien mal gardé, des milliers de gens sans que l’on ne s’émeuve outre mesure, et cela, avec des armes non conventionnelles, et qui sont à leur façon des armes de destruction autrement plus massives que l’arme atomique ».

Oui, ces armes utilisées sont pourtant bien identifiées, et elles sont multiformes et plurielles :

1/ C’est notre insolente « indulgence » envers les actes des dictateurs de tous ordres (aujourd’hui Assad en Syrie).

2/ C’est notre pénible « politiquement correct » en ce qui touche notre sentiment que la plus simple des morales nous dicte, mais que l’on ne saurait montrer pour ne pas soulever plus ample controverse (ainsi l’attitude conciliante et perverse de certains gouvernements envers la Chine quand on ne veut pas soulever la question des droits de l’homme dans ce pays).

3/ C’est notre « hypocrisie vénale », cupide, celle de nos gouvernements qui cherchent à  se ménager des faveurs à venir (ainsi cette France de Sarkozy qui accepte que le dictateur Libyen plante sa tente dans nos jardins... pour espérer vendre des rafales).

4/ C’est notre « arrogance criminelle » envers des peuples, ou certains habitants de nos villes et villages, ici même en Europe, ou ailleurs dans le monde, dont nous ne partageons pas les idéologies, ou simplement la situation sociale, religieuse, culturelle, - et ses misères qui l’accompagnent - et qui nous font les ignorer, ignorer surtout leur extrême état de dépendance qui ne peut à terme que les détruire physiquement et psychologiquement. Oui, qui se préoccupe des Rroms ? Qui se préoccupe des politiques d’austérité de l’Europe, ou celles du FMI pendant tellement d’années, qui laissent dans la misère extrême, et jusqu’à la mort, certaines populations fragiles ? Qui se préoccupe des Tamouls, des Tchéchènes, des Tibétains ?

On tue délibérément, lucidement, candidement (c’est cynique, j’en conviens, de le dire ainsi) avec des armes a-morales. Qui se préoccupe de tous ces morts?