Il me semble intéressant en ce début d’année (et aussi pour répondre collectivement aux nombreux mails que je reçois qui me questionnent sur mon métier) de rédiger une présentation synthétique du métier d’interprète en langue des signes française.
1/ Son rôle
L’interprète est un professionnel formé aux techniques d’interprétations et diplômé. Il intervient aussi bien pour les personnes sourdes que pour les personnes entendantes en interprétant tous les échanges. C’est un pont linguistique et culturel entre deux communautés, celle des sourds et celle des entendants.
Il est bien sûr bilingue et biculturel (il est indispensable d’avoir une excellente connaissance de la culture sourde).
Il favorise aussi l’accessibilité à la vie quotidienne, professionnelle, sociale, culturelle et citoyenne des personnes sourdes qui s’expriment en langue des signes (française en l’occurrence).
Il interprète les discours émis en français (oral) vers la langue des signes ou les discours émis en langue des signes vers le français (oral).
Il traduit les textes écrits en français vers la LSF et les discours signés en LSF vers le français écrit.
L’interprète respecte le code éthique de sa profession tel qu’il a été défini par l’Afils. Les 3 règles principales sont :
- le secret professionnel : l’interprète est tenu au secret professionnel, il s’interdit toute exploitation personnelle d’une information confidentielle ;
- la fidélité : l’interprète se doit de restituer le plus fidèlement le message en présence des parties concernées ;
- la neutralité : l’interprète ne peut intervenir dans les échanges et ne peut participer à une conversation qu’il traduit. Il est particulièrement vigilant à rester neutre, aussi bien durant toutes les situations d’interprétation que durant les moments plus informels (pause-café par exemple).
2/ Ses différents types d’interventions
Nous interprétons des situations :
- de liaison (rendez-vous professionnel, social, médical, juridique) ;
- de réunion (entreprise, administration, réunion d’équipe) ;
- de formation (milieu scolaire, universitaire, professionnel) ;
- de conférence (Assemblée générale, séminaire, colloque, débat public, meeting) ;
L’interprète peut aussi intervenir en milieu artistique (visite de musées) , religieux (mariage, enterrement) ou à la télévision (traduction des journaux télévisés).
Il peut également interpréter à distance, via la visio-interprétation, afin de relayer un appel téléphonique entre un sourd et un entendant.
L’interprète peut refuser une intervention si, pour une raison éthique ou personnelle, il sent que sa prestation ne sera pas conforme à son code déontologique.
A noter : afin de fournir une interprétation optimale, un temps de préparation est indispensable. L’interprète (qui se doit bien sûr de déjà posséder une excellente culture générale) sollicite les intervenants en amont de ses interventions afin de recueillir des informations relatives au contenu des échanges et tout document susceptible de l’aider à améliorer et/ou faciliter sa prestation.
3/ L’organisation de son travail
Un interprète peut travailler :
- en indépendant : auto-entrepreneur ou profession libérale ;
- au sein d’un service d’interprètes en langue des signes comme salarié ou vacataire ;
- au sein de diverses structures nécessitant les services d’un ou plusieurs interprètes comme les Instituts de Jeunes sourds, des établissements spécialisés, des structures hospitalières…
Une journée de travail correspond à 2 vacations (matin, après-midi ou soir) soit 4 heures d’interprétation effective.
En effet, afin de garantir une interprétation de qualité, le nombre d’heures maximum d’interprétation consécutive est de 2h par demi-journée (une pause de 10mn étant à prévoir à l’issue de la 1ère heure d’intervention).
Dans les situations nécessitant plus de 2 heures d’interprétation consécutive ou si l’aménagement d’une pause entre les 2 heures n’est pas possible, lors d’une conférence par exemple) un 2ème interprète est nécessaire selon deux modalités possibles :
- les 2 interprètes sont présents durant la période d’intervention avec un relais toutes les 15 à 20mn
- un interprète intervient seul pendant la première heure puis un 2ème interprète lui succède pour l’heure suivante (avec une présence conjointe en amont d’au moins 15mn, permettant d’assurer un passage de relais satisfaisant).
Bien que neutre et n’intervenant pas durant les échanges, l’interprète peut être amené à conseiller sur la situation d’interprétation pour s’assurer des bonnes conditions de son intervention telles que : configuration du lieu, organisation de la situation de communication, recadrage lorsque son rôle n’est pas bien compris avec si besoin explication des règles déontologiques, etc.
Il peut également endosser le rôle de tuteur pour des « élèves-interprètes » en formation.
4/ Sa rémunération
En début de carrière, la rémunération d’un interprète en langue des signes est modeste au regard des 5 années d’études supérieures nécessaires pour être diplômé : 1200 à 1500 € net par mois.
Ensuite, après quelques années d’expériences professionnelles elle devient très variable, en fonction des vacations effectuées, du statut…
5/ Une synthèse des compétences
Dans son mémoire de fin d’études mon collègue Christophe Ricono (qui travaille à Ex-aequo, Lyon) a proposé une synthèse des compétences requises par ce métier. Comme je ne ferais pas mieux qui lui, je reproduis son tableau :
6/ Les contraintes du métier
- disponibilité et souplesse (horaires non réguliers, décalés, nécessité de devoir répondre dans l’urgence à une demande, nombreux déplacements) ;
- isolement professionnel ;
- risques sur la santé dus à une usure physique et intellectuelle : TMS, stress, déplacements (douleurs dorsales…) ;
- fatigue visuelle en visio-interprétation.
7/ Les diplômes d’interprètes F/LSF reconnus par l’Afils
Vous trouverez des infos plus détaillées sur les cursus proposés (Master 2, Bac +5) dans cet article : « devenir un interprète F/LSF diplômé« .
- Université Paris 3/Esit ;
- Université Paris 8/Serac ;
- Université Lille 3 ;
- Université Toulouse Le Mirail ;
- Université de Rouen.
Sources :
En plus des nombreux articles déjà rédigés sur ce blog, pour des informations plus approfondies sur ce sujet, je vous conseille :
- le site de l’Afils ;
- le mémoire de Christophe Ricono intitulé : « Regard sur les compétences des interprètes en langue des signes » (PDF).
Et d’aller rencontrer des interprètes en langue des signes pour discuter avec eux. Vous verrez, nous sommes très gentils !
PS : bien sur, cette description n’étant en rien exhaustive, n’hésitez pas à m’interroger si vous avez besoin de précisions ou d’éclaircissements.