Le rôle des émotions dans le processus d'achat est plus important quand son objet est destiné à un usage proche dans le temps. Cela, quel que soit le canal.
Les professionnels du marketing le pressentaient depuis longtemps : plus l’impact d’une décision est proche dans le temps plus l’acheteur est susceptible de faire confiance à ses émotions plutôt qu’à des arguments rationnels. Parue dans le Journal of Consumer Research, une étude de chercheurs de l’université de management de Singapour et de la Colombia University en apportent une preuve. Pour le montrer, ils ont mené une expérience avec deux groupes d’étudiants à qui ils ont demandé de choisir un appartement à louer parmi deux options. Le premier était un choix plus affectif que rationnel : un appartement petit et mal situé mais joliment meublé et avec une belle vue. A l’inverse, la deuxième option représentait le choix de la raison : un appartement spacieux et mieux situé géographiquement. Le premier groupe, constitué d’étudiants dans leur dernière année et donc susceptible d’emménager quelques semaines plus tard seulement, s’est montré plus intéressé par la première option, plus émotionnelle.
Prendre en compte le temps entre l’achat et la consommation
A l’inverse, les étudiants plus jeunes, pour qui la perspective d’un emménagement était plus lointaine, se sont montrés plus raisonnables en choisissant la deuxième option. Ce qui fait dire aux deux chercheurs que "les entreprises devraient plus prendre en compte le temps entre l’achat et la consommation du produit". Autant le dire d’emblée, Armelle Solelhac, PDG de l’agence marketing et communication numérique Switch, n’est pas tombée des nues en découvrant cette étude. En revanche, elle reconnaît qu’Internet "a changé la donne" en termes d’utilisation des émotions comme facteur d’achat. Grâce à une profusion de blogs et de sites spécialisés, l’internaute n’arrive plus vierge de toute information devant un produit. "Avant il y avait le moment où l’on découvrait un produit dans le rayon, ce que l’on appelle le 'first moment of truth'", explique-t-elle à L’Atelier. Puis passé une première période d’utilisation, il y avait un deuxième "moment de vérité".
L’achat en ligne est-il dénué d’émotion ?
Désormais, l’internaute est renseigné autant qu’il est possible de l’être sur le produit… avant même de l’avoir acheté. "C’est le 'zéro moment de vérité'". Mais alors, cela veut-il dire que l’achat en ligne est un achat dénué d’émotion ? "Non", répond sans ambigüité Armelle Solelhac. "Certaines entreprises arrivent à récréer de la dramaturgie en créant de la rareté", assure-t-elle. "Par exemple en limitant la période d’achat à 24 heures". On en revient au fameux "timing" de l’achat évoqué par l’étude. Mais ce n’est pas le seul moyen. "On peut aussi créer de l’émotion en apportant beaucoup de soin à la charte graphique et aux visuels du site, en épurant au maximum". Pas question d’agresser l’internaute par une surenchère de texte. Et cela fonctionne. Par exemple, un internaute qui déciderait de partir en vacances à la dernière minute peut "basculer pour une destination s’il voit une offre bien présentée ou qui le fait rêver". Cela ne veut pas dire que l’émotion ne jouera aucun rôle quand vous programmerez vos vacances plusieurs mois à l’avance, mais son impact sera moins fort.