Pat Mills et Joe Colquhoun – La grande guerre de Charlie, volume 3

Par Yvantilleuil

Il ne fait pas bon d’être pauvre quand la guerre fait rage !

Charley’s War est un chef-d’œuvre de la bande dessinée britannique, paru sous forme d’épisodes dans la revue britannique Battle entre 1979 et 1986. Excepté quelques épisodes publiés dans les magazines “Bengali” et “Pirates”, cette histoire réalisée par Pat Mills et dessinée par Joe Colquhoun n’avait pas encore réussi à franchir la Manche. Grâce au label Delirium, fruit d’une collaboration entre les éditions Ça et Là et 360 Media Perspective, c’est maintenant chose faite… et de bien belle manière !

Alimentée par des faits authentiques, ce récit qui traite de la guerre 14-18 invite à suivre les aventures de Charly Bourne : un jeune « Tommy » de 16 ans qui, en mentant sur son âge, se retrouve au front, à quelques jours de la terrible bataille de la Somme. Le fait de suivre les pas de ce jeune britannique un peu stupide, mais courageux et foncièrement bon, permet non seulement de plonger le lecteur dans le quotidien de la Première guerre mondiale, mais surtout de lui faire découvrir le point de vue anglais.

Après un premier tome qui se déroulait entre les mois de juin et août 1916 et un deuxième volet qui couvrait la période d’août à octobre, cette saga poursuit la chronologie de la guerre et relate maintenant les derniers instants de cette fameuse bataille de la Somme, qui coûta la vie à plus d’un million de victimes pour seulement quelques kilomètres de terrain gagnés ou perdus. Après une seconde intégrale qui dénonçait l’injustice et l’inhumanité de certaines actions qui se déroulaient dans le camp des alliés et qui se ponctuait par les débuts de l’Opération Wotan, cet album poursuit l’offensive brutale et sans merci des allemands. L’arrivée de la section « du Jugement Dernier » en provenance du front russe ne fait qu’accroître les horreurs perpétrées sur le front. De l’utilisation d’armes chimiques à l’exécution sommaire de soldats obligés de sortir un par un d’un abri souterrain, tous les moyens semblent bons pour prendre quelques mètres à l’ennemi… même si c’est surtout la cruauté qui semble gagner du terrain au fil des pages…

Après un premier tome qui mettait en avant les attaques au gaz et un second volet mettait l’accent sur l’utilisation de tanks, celui-ci commence à souligner l’importance grandissante de l’aviation. D’avions qui balancent des flèches d’acier qui transpercent les soldats dans les tranchées aux gigantesques zeppelins qui s’apprêtent à larguer leurs bombes sur le sol britannique, le ciel n’apporte pas non plus grand-chose de fort réjouissant.

Ce troisième volet met également l’accent sur la ségrégation des classes sociales durant la guerre. Que ce soit le manque de reconnaissance du colonel Zeiss, issu de la classe ouvrière allemande, aux dérives de ce propriétaire d’une usine d’armes en Angleterre, les pauvres n’ont que trop rarement le bon rôle dans cette guerre. Pat Mills ne met d’ailleurs pas seulement le doigt sur le gouffre qui sépare la noblesse de cette classe inférieure qui termine massivement au fond des tranchées, mais également sur le décalage qui existe entre les soldats et la population civile. En ramenant son héros à Londres, l’auteur parvient à souligner cette différence de perception entre ceux qui y étaient et ceux qui sont incapables d’imaginer l’inimaginable.

Si le réalisme de ces scènes tirées de faits réels impressionne, c’est surtout l’humanité dégagée par cette œuvre qui fait mouche. Au sein de la Grande Histoire, Pat Mills invite en effet à découvrir les petites histoires de simples soldats. Multipliant les détails et les anecdotes (comme celle de ces soldats transportant des mitrailleuses sur leurs dos), Pat Mills restitue la dureté du conflit avec grand brio. Le graphisme noir et blanc de Joseph Colquhoun fourmille de détails et contribue également à dépeindre le quotidien des tranchées avec énormément de réalisme. Quant aux quelques pages en couleurs présentes dans ce tome… elles démontrent surtout que parfois, c’est quand même mieux de lire une BD en noir et blanc.

L’une des meilleures bandes dessinées jamais écrites sur la guerre et un quatrième volume prévu en mars 2013.

Retrouvez cet album dans mon Top comics de l’année !