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Version BETA, Tome 1 de Rachel COHN
Publié le 07 janvier 2013 par MelisendeVersion BETA, Tome 1
de Rachel COHN
Robert Laffont (Collection R),
2012, p. 424
Première Publication : 2012
Pour l'acheter : Version BETA, Tome 1
Grande habituée de la liste des best-sellers
du New York Times, Rachel Cohn est l'auteur
de plus d'une dizaine de romans jeunes adultes. Merci à la Collection R pour cette découverte !
ée à seize ans, Elysia a été créée en laboratoire. Elle est une version BETA, un sublime modèle expérimental de clone adolescent, une parfaite coquille vide sans âme.
La mission d'Elysia : servir les habitants de Demesne, une île paradisiaque réservée aux plus grandes fortunes de la planète. Les paysages enchanteurs y ont été entièrement façonnés pour atteindre la perfection tropicale. L'air même y agit tel un euphorisant, contre lequel seuls les serviteurs de l'île sont immunisés.
Mais lorsqu'elle est achetée par un couple, Elysia découvre bientôt que ce petit monde sans contraintes a corrompu les milliardaires. Et quand elle devient objet de désir, elle soupçonne que les versions BETA ne sont pas si parfaites : conçue pour être insensible, Elysia commence en effet à éprouver des émotions violentes. Colère, solitude, terreur... amour.
Si quelqu'un s'aperçoit de son défaut, elle risque pire que la mort : l'oubli de sa passion naissante pour un jeune officier...
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n découvrant la quatrième de couverture de ce premier tome de ce qui sera une tétralogie (et oui, dur dur de trouver des « one-shot » maintenant), j’étais à la fois sceptique et curieuse. Sceptique car le coup de l’héroïne privée d’humanité et qui découvre les émotions et sentiments, ce n’est pas nouveau, ça ressemble étrangement à Glitch de Heather Anastasiu (également publié par Robert Laffont dans la Collection R) et que je n’avais que très moyennement aimé ; mais tout de même curieuse parce que je suis une éternelle optimiste persuadée de pouvoir trouver du bon dans n’importe quel titre !
Après un début un peu moyen et ne m’enthousiasmant pas des masses, je suis tombée sur la révélation qui a changé ma perception de ce premier tome et m’a fait dévorer la deuxième moitié. S’il n’y a pas vraiment de surprises au niveau de la personnalité des figures évoluant dans ce titre, le rythme et les révélations sont au rendez-vous et l’univers dystopique, bien que seulement ébauché pour le moment, semble avoir quelques belles choses à offrir.
Comme je le disais en introduction juste au dessus, la première partie du texte ne m’a que peu charmée. Certes, il faut un temps de mise en place de l’univers et des personnages qui y évoluent mais je n’y ai pas trouvé une grande originalité. Elysia qui est donc un clone, est achetée par une riche famille de l’île pour « remplacer » la fille aînée partie étudier sur le continent. Sœur et fille de substitution, objet de bon plaisir, la jeune « fille » est uniquement là pour obéir et combler ses propriétaires. On découvre son nouveau home sweet home en même temps qu’elle et on fait la connaissance de ce qui est dorénavant son entourage : une petite sœur douce et docile, un grand frère bridé par les désirs d’un père autoritaire, celui-ci étant particulièrement réfractaire à l’arrivée d’Elysia dans la famille et enfin, une mère à côté de la plaque qui occupe ses journées au club avec d’autres femmes aussi dénuées d’intérêt qu’elle. Alors qu’elle teste la natation et le plongeoir pour faire plaisir à sa nouvelle famille, Elysia se découvre des aptitudes extraordinaires et il ne fait rapidement plus de doutes que la jeune fille dont elle occupe le corps était une grande nageuse, avant sa mort. Notre héroïne se rend bientôt compte qu’elle possède encore les souvenirs de la vie passée de cette nageuse et que, pire que tout, elle ressent des émotions aussi variées que le plaisir de manger du chocolat ou la peur que quelqu’un découvre ses anomalies. Elle se lie d’amitié avec d’autres clones qui lui révèlent des informations intéressantes et rencontre les autres jeunes humains de l’île, notamment Tahir, le chouchou de ces demoiselles qui, après un grave accident de surf, est resté dans le coma plusieurs semaines et ne fait son grand retour sur l’île qu’après l’arrivée d’Elysia dans la bande.
Heureusement, après ce début un peu convenu, les choses s’accélèrent. L’héroïne se rend compte de la valeur de la vie et découvre surtout l’importance de la liberté et du libre-arbitre. Elle doit se battre pour que son statut de clone change de signification aux yeux des humains et découvre qu’elle n’est pas la seule à le penser… les clones ne sont peut-être pas si dénués d’humanité que ça ! Toute cette réflexion sur l’esclavage, le libre-arbitre et la société dans son ensemble m’a beaucoup plu. Ce n’est pas encore très poussé mais les bases sont là et c’est intéressant. Ce n’est pas vraiment très original mais je trouve le message important et bienvenu dans une lecture young adult. Après tout, les clones ne sont pas encore parmi nous mais l’esclavage d’êtres humains d’une autre couleur était monnaie courante il y a encore peu, sans parler des ventes d’humains toujours d’actualité en 2013 (la traite des blanches par exemple). Il est toujours bon de le rappeler. Qui plus est, et c’est à noter comme un point positif, Rachel Cohn ne fait pas vraiment de cadeaux à ses personnages et n’hésitent pas à en sacrifier quelques-uns pour le bon déroulement de l’histoire. C’est plus crédible et moins proche des œuvres young adult un peu Bisounours que peuvent parfois proposer certains auteurs.
Outre ce message un peu « sérieux », Version BETA n’évite pas l’habituelle romance et même le triangle amoureux. De ce point de vue là, rien de vraiment neuf au soleil et peu de vrais frissons et émotions pour ma part mais ça reste acceptable et n’empiète pas trop trop sur le reste. Elysia fait la découverte des sentiments, sentiments normalement inexistants chez les clones et en profite pour se rapprocher de certains membres de son entourage. Je ne me suis pas particulièrement attachée à cette héroïne plutôt déterminée et rusée. Certaines de ses aventures (ce qu’on lui impose) sont révoltantes et la rendent alors émouvante mais sans plus. Même si elle possède des émotions humaines, elle reste un clone et je n’ai pas eu particulièrement d’empathie pour elle.
De façon générale, j’ai trouvé les autres personnages assez manichéens et sans trop de relief. Les méchants sont de vrais salauds ou de gros abrutis, les amis adolescents passent leur temps à se droguer pour échapper à leur quotidien, le grand frère fait tout pour plaire à son père quitte à mettre sa vie en danger… seul les personnages apparaissant dans les derniers chapitres me semblent un peu plus complexes. Et comme je pense qu’on va pouvoir les découvrir bien davantage dans le tome suivant, j’espère que celui-ci abritera des figures et des aventures avec plus de relief.
En revanche, la révélation concernant l’un des personnages secondaires est sans doute la plus jolie surprise de ma lecture. Je ne suis pas particulièrement perspicace et ai donc été très surprise en découvrant le pot aux roses lorsque l’héroïne l’annonce clairement. Dès cet instant, le livre a, à mon goût, pris une toute autre intensité et un tout autre intérêt. Plus de profondeur, une plus grande machination impliquant plus de monde et révélant l’ampleur prise par la recherche scientifique dans cette histoire. Intéressant et ouvrant de nouvelles perspectives pour le tome suivant. En espérant que l’auteure sache s’engouffrer correctement dans la brèche.
Côté « style », c’est toujours un peu la même chose avec la littérature young adult. Ce n’est pas transcendant, ce n’est pas non plus mauvais ; c’est juste correct et particulièrement fluide pour que les pages se tournent à une allure folle. Ici, Rachel Cohn ne s’encombre pas de longues descriptions mais parvient tout de même à nous offrir un univers que l’on n’a pas trop de mal à s’imaginer. De ce point de vue là, ça aurait pu être mieux à mon goût (j’aime bien avoir comme un film dans ma tête, les détails ont donc leur importance) mais cela reste convenable. L’auteure met surtout l’accent sur les sensations et émotions ressenties par son héroïne, héroïne qui découvre justement ce que sont ces deux choses. Dans cette optique, elle a évidemment choisi le point de vue interne. Si le « je » me permet parfois de me rapprocher énormément du héros et de vivre les choses en même temps que lui, ça n’a pas été totalement le cas dans Version BETA. Je pense que Rachel Cohn aurait pu insister davantage sur ce que ressent son héroïne en se rendant compte qu’elle a des réactions « humaines », mais c’est tout de même bien rendu.
Comme d’habitude (ou presque), la Collection R nous propose un titre divertissant et dont les pages se tournent à une vitesse folle. Mon appréciation aurait sans doute été meilleure si je n’avais pas senti comme un manque d’originalité dans la première partie du récit et assez peu d'empathie avec des personnages un peu trop manichéens la plupart du temps. En revanche, je félicite Rachel Cohn pour son approche de l’esclavage et j’espère que, dans la suite, elle saura tirer partie des belles perspectives qu’elle introduit dans les derniers chapitres. Affaire à suivre, donc !