(Ce texte me touche beaucoup, je le reproduis ici)
A partir de janvier 2008, les moutons et les chèvres devront, en
Europe, être identifiés par des puces électroniques implantées, alias
transpondeurs. Des bergers refusent cette mesure qui est selon eux synonyme
d’une industrialisation du monde vivant. Après les moutons, viendraient les
autres animaux, puis, pourquoi pas, les humains. Au nom de la sécurité et de la
traçabilité.
Des bergers - octobre 2007
Au 1er janvier 2008, l’ensemble du cheptel ovin et caprin de la Communauté
européenne doit être identifié avec des puces électroniques pour répondre aux
exigences industrielles de « sécurité alimentaire » (règlement CE n°21/2004 du
Conseil du 17 décembre 2003). Ces mouchards arrivent à une époque où la machine
industrielle s’emballe au rythme des crises sanitaires (grippe aviaire, vache
folle, fièvre aphteuse,…). Le dernier moyen de maintenir l’illusion d’une
maîtrise est de considérer les éleveurs comme des risques industriels
potentiels. Il faut donc assurer leur flicage.
Dans la marche du progrès, refuser le puçage électronique des brebis peut
paraître anodin. Pourtant, cette nouvelle mesure de traçabilité, nous la
prenons en pleine figure car nous savons qu’elle nous pousse un peu plus loin
dans un monde où l’on commence à se sentir de trop. L’élevage n’est pas
seulement une industrie produisant du lait ou de la viande. La domestication
n’est pas seulement la soumission d’un animal, c’est aussi un long
compagnonnage commencé à la révolution du néolithique. Ces interdépendances
influencent depuis 10 000 ans nos relations aux animaux, aux humains et au
monde. Cette longue compagnie a participé à construire nos imaginaires, nos
mythes, notre culture.
Avec le puçage électronique, toute cette partie de l’histoire de notre humanité
est anéantie, détruite, niée. Comme la plupart des professions, une part de
plus en plus importante de nos activités est régie par un ailleurs : normes
industrielles, obligation de s’expliquer, permanence de la suspicion à notre
égard. Cela suffit !
Pour nous, il ne s’agit pas de se justifier. Nous ne voulons plus cogérer les
modalités de notre soumission. Nous ne voulons plus nous « adapter ». Nous ne
pouvons regarder nos brebis se transformer en machine, en émetteur-récepteur
sans rien dire. Dans un monde où l’humiliation est devenue tellement familière
que l’on ne la reconnaît plus, où le contrôle ne choque plus personne et peut
même être « citoyen » ou « participatif », nous avons fait comme tout le monde.
Nous avons fait profil bas, nous avons ménagé les administrations et entretenu
notre asservissement au système des primes agricoles en traînant les pieds face
aux « nouveautés ».
Aujourd’hui refuser le puçage électronique, c’est voir son troupeau euthanasié.
Malgré tout, si nous prenons publiquement la parole, c’est que nous ne voulons
pas plonger dans l’aigreur et le désespoir que génère la résignation ( « de
toute façon ça se fera », « les gens ne comprennent rien », « le monde est
devenu fou », « on n’arrête pas le progrès »).
La révolution industrielle a réalisé la volonté de tout transformer en machine.
Après les outils, il est question aujourd’hui des animaux domestiques avec le
marquage électronique. Vient le tour du cheptel humain.
Déjà, il est question de bornes biométriques dans les cantines, de fichier ADN,
de cartes d’identités biométriques,… Ce puissant processus de mécanisation du
monde vivant est en train de détruire tout ce qui fait que l’humain n’est pas
seulement une construction biologique usinable à merci. Nous avons encore
quelques espoirs mais ils peuvent disparaître si l’on continue à se taire, à
baisser la tête, à laisser échapper ce que l’on a dans les mains. Ici, il
s’agit pour nous de conserver quelques chances d’élever des bêtes à peu près
dignement, de ne pas collaborer par notre silence à l’automatisation et à la
déshumanisation de l’élevage, à la transformation définitive des bêtes en
marchandise et à notre enfermement dans un monde invivable pour les brebis et
pour nous tous.
Nous, bergers des plaines, des causses et des montagnes, réunis pour notre
sauvegarde, appelons toutes et tous à refuser les entraves électroniques. Nos
troupeaux ne sont pas des machines et nous n’habitons pas dans des usines. Nous
vous invitons à reproduire ce texte, et à en parler autour de vous.
Des bergères et bergers opposés à la mécanisation de la vie
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