A la veille de la réunion du 5 février 2013 qui va porter sur les fonds baptismaux le Plan d'Action National Loup 2013-2017, le point sur le Groupe National Loup.
Calendrier
- Une réunion du Groupe National Loup s'est tenu le mercredi 19 décembre 2012 à Lyon en l'absence de Christophe Castaner et de la ministre Delphine Batho. Les représentants pastoraux étaient en nombre : Yves Derbez (Eleveurs & Montagnes), Franck Dieny (FNO), Francis Solda (CERPAM, FROSE), Jean-Pierre Royannez (FNSEA), Pierre-Yves Motte (APCA), un représentant de la “Conf” (Confédération paysanne).
- Le samedi 21 décembre 2012, l'Association des Eleveurs et Bergers du Vercors (Drôme, Isère), Solidarité Pastorale et la Fédération des Acteurs Ruraux (FAR) ont été reçu par Madame la Conseillère du ministre lors d’un déplacement à Valence.
- Les organisations syndicales d’agriculteurs (FNSEA, FNO, JA) et la chambre d’agriculture ont été reçus aussi. (Où et quand? Malgré la règle des 6 questions clés, notre guide-journaliste ne l’a pas écrit).
- La prochaine réunion du GNL aura lieu le 5 février 2013 à Paris. Au programme : débattre des mesures du Plan loup 2013-2017.
- Les associations environnementales seront reçues le jeudi 10 janvier.
Résumé de la réunion du mercredi 19/12/2012
La réunion du GNL ressemblait parait-il plus à un exposé qu’à une réunion de négociation. A retenir :- Les prélèvements de loups pourraient être effectués en fonction des dégâts sur les troupeaux, avec moins de démarches administratives.
- Mise en place d’une "cellule spéciale d’intervention de proximité" (représentants de l'ONCFS, louvetiers, chasseurs, éleveurs volontaires) pour répondre à la demande des éleveurs qui ne désirent pas "perdre du temps" à tirer sur les loups et qui désirent se consacrer à leurs exploitations.
- Activation de la cellule par le préfet en ZPP (pas en zones récement colonisées par le loup) où il y a eu des attaques (année N ou N-1)
- Il n'y aura pas d’intervention dans le coeur des parcs nationaux. La demande du sénateur Alain Bertrand semble avoir du plomb dans l'aile.
Réactions
Frank Diény (FNO) et Yves Derbez (Eleveurs & Montagnes) se déclarent "satisfaits mais vigilants". "La nouvelle méthode de comptage mis au point par Olof Liberg, l'expert suédois, va modifier le nombre de loups à prélever et probablement augmenter les prélèvements", aurait déclaré Yves Derbez, se félicitant que "le seul fait d'évoquer cette question (l’intervention dans les parcs nationaux ) est un progrès". (Comment faire passer un échec pour un progrès...)Patrick Boffy (FERUS) : "Le GNL s'achemine vers un relèvement du plafond des loups prélevés, qui était fixé à onze pour la période qui s'achève. De nouveaux comptages vont être effectués afin de mesurer la progression de la population de loups, car l'objectif reste d'en réduire le nombre. Ferus demeure opposé à tous les tir létaux qu'il s'agisse de tirs de défense ou de tirs de prélèvement". L’association environnementale engrengait "le fait qu’il n’est plus question de tirs dans les Parcs Nationaux, ni de zones d’exclusions, mais la notion de troupeaux non protégeables ouvre, selon eux, la porte à toutes les dérives", regrettant en outre que "la protection n’est évoquée que par son coût qui se heurte aux contraintes budgétaires des Ministères".
Un problème de formule et de compréhension
Je relève deux informations contradictoires dans l’interprétation d’Yves Derbez et dans celle de FERUS : “La nouvelle méthode de comptage va modifier le nombre de loups à prélever et probablement augmenter les prélèvements” (E&M) et “De nouveaux comptages vont être effectués afin de mesurer la progression de la population.” (FERUS). Qu’en est-il exactement ?
Les déclarations d’Yves Derbez ont déja provoqué quelques réactions, comme celle de Jean-Luc Valérie qui dénonce l’affirmation que beaucoup de prédateurs peuvent vivre en l’absence de proies (ce qui ne semble pas choquer la FAR). Je me limiterai donc à aborder d’autres aspects de la position de la Fédération des Acteurs Ruraux.
Dans une note du site de la FAR plusieurs messages et plusieurs commentaires établissent un taux de croissance annuel moyen sur base d’une formule de calcul qui ne prend en compte que 3 valeurs : V1, la valeur début. V2, la valeur finale et V3, le nombre de périodes. Leur calcul reprend les valeurs suivantes :
- V1 = 2 loups en 1993 (un couple revient dans le Mercantour)
- V2 = 250 en 2012 (source oncfs réseau loup)
- V3 = 20 ans (que ce retour a eu lieu).
La formule de calcul du taux de croissance annuel moyen est la suivante:
(V2/V1)^(1/V3)-1 = (250/2)^(1/20)-1= 0,273050116. Si V1=2 et V2=250, on obtient un TCMA de 0,27 (27%). L’Etat arrive au même résultat pour la période 1995-2007.
Cette méthode approche le taux moyen sur toute la durée de suivi de la population. Si on l'applique seulement sur la période ou l'on dispose de données modélisées de CMR (i.e. à partir de 1995), on obtiendrait un taux plutôt de l'ordre de 20 à 25%.
La méthode de calcul utilisée par la FAR est simpliste. En effet, dans le récit du retour du loup, un témoignage parle d'au moins 3 loups : “Il y a ce cas des deux bergers qui, à l'été 1990, étaient sur les pâturages du versant sud du mont Giraud et qui ont vu trois chiens, genre bergers allemands, gris. Leurs troupeaux avaient été dérangés."
2 (loups) pour la valeur de départ V1 est certainement une valeur minimum puisqu'il faut au moins un mâle et une femelle pour avoir reproduction. Mais rien ne dit qu'il n’y avait pas 3, 4 ou plus de reproducteurs, ce qui, avec une formule aussi simple, change fondamentalement le résultat et risque de faire diminuer la quantité de prélèvement que la FAR appelle de ses voeux. En effet, ce type de calcul est trés sensible aux valeurs de départ et d'arrivée. Or on ne connait pas avec certitude la valeur de départ (V1, le nombre de loups reproducteurs arrivés en France) et celle d’arrivée (V2, le nombre de loups actuellement présent en France).
Tout l’argumentaire de la FAR invitant à une gestion plus musclée du loup se base sur des calculs imprécis effectués avec une marge d’erreur est importante.
Mais l’erreur ne réside pas que là. Quel est l’intéret de se baser sur un taux de croissance annuel moyen si c'est la variation du taux annuel qui va servir à éclairer les politiques pour déterminer le nombre de prélèvements envisagé chaque année ? Cela restera un choix politique.
Pour l'instant LA référence officiellement publiée est calculée avec la méthode CMR qui est considérée comme LA bonne méthode de calcul du taux de croissance. Cette méthode est déjà celle utilisée en France. Ce n’est donc pas “une nouvelle méthode de comptage”comme l’affirme le président de la FAR, Yves Derbez. La méthode CMR est beaucoup plus compliquée que celle utilisée par la FAR pour demander une augmentation des prélèvements.
Télécharger "Capture–recapture population growth rate as a robust tool against detection heterogeneity for population management” (PDF, 10 pages, 434 ko). Ami lecteur, bon courage.
Prétendre donc que "La nouvelle méthode de comptage mis au point par Olof Liberg, l'expert suédois, va modifier le nombre de loups à prélever et probablement augmenter les prélèvements" est donc erroné. La FAR confond la "nouvelle méhode de comptage" avec un modèle démographique developpé pour estimer le quota de chasse au loup en 2010 et 2011 en Suède. Ce modèle se base bien sur le taux de croissance, mais pas en suivant la formule simpliste de la FAR.
Voir le rapport du modèle démographique (PDF, 25 pages) fourni au gouvernement suédois. C’est ce modèle qui va être appliqué en France. Bon courage encore...
Mais ce qui compte surtout, bien au delà de la valeur du taux moyen, ce sont les variations interannuelles du taux de croissance, qui elles conditionnent tout autant l'appréciation du statut de conservation de l'espèce que les possibilités de gestion qui en découlent.
Ces variations sont estimées chaque année :
- à partir de la variation du nombre de meutes / ZPP
- à partir de la variation de l’indice EMR
- à partir de la variation du nombre de communes avec présence du loup
Ce n’est que la donnée CMR « pure » sur le plan mathématique qui est estimée avec un décalage de 3 ans, mais comme il y a une corrélation quasi-parfaite entre EMR (mis à jour chaque année sur base des indices observés par le réseau loup) et CMR, on déduit pour l’année en cours la valeur de la CMR d’après la relation entre ces deux variables.
S’il n’y avait pas de mise à jour annuelle, ce serait plus difficile de faire de la gestion adaptative avec une espèce comme le loup dont justement les bilans démographiques varient naturellement d’une année à l’autre en fonction, des reproductions, des ressources alimentaires, de la mortalité etc.
Même s'il est certains que l'on va vers une augmentation du plafond des prélèvements, autant préciser que c’est à partir d’une méthode qui limite les imprécisions et quantifie toutes les incertitudes et pas avec la formule de la FAR.
Voir cette étude "Monitoring of wolves in Scandinavia" dont j'ai traduit le résumé.
Le suivi des loups en Scandinavie
La population scandinave de loups est suivie conjointement par les autorités norvégiennes et suédoises. Le suivi est effectué annuellement. Les loups sont classés en plusieurs catégories : les meutes ou groupes familiaux de plus de 3 animaux qui partageant un territoire, les paires territoriales et les autres loups stationnaires ou vagabonds. Chaque année, déterminer le nombre de reproductions fait partie des tâches prioritaires de l’équipe de suivi au même titre que de déterminer la nombre de naissance de louveteaux.
Trois méthodes sont utilisées en combinaison.
La deuxième méthode est l'analyse ADN, principalement basée sur l’analyse des excréments de loup collectées pendant les recherches. L’analyse ADN permet d’identifier les reproductions et les fratries, de regrouper les familles en les distinguant de celles des territoires voisins. Elle permet aussi d’identifier les nouveaux immigrants venant de la population finlandaise ou russe.
La troisième méthode est l’usage de la radio-télémétrie. De 10 à 20 loups sont équipés de colliers émetteurs GPS chaque année. Cela permet d’analyser les territoires de chaque meute et de mieux les différencier avec les territoires voisins.
Toutes les données de surveillance nationale sont enregistrés dans des bases de données, et sont compilées annuellement dans les rapports du suivi annue.
Le budget alloué aux deux pays pour le suivi des grands carnivores était en 2011
d’environ 5,8 millions d'euros, dont environ 1,5 million a été consacré au loup."
Question : Comment va-t-on appliquer cette méthode en France? En sachant :
- qu'elle utilise 100 agents de terrain à temps plein ou partiel.
- Tous les agents du réseau loup français vont-t-ils collaborer en sachant que le résultat de leur travail servira à détruire plus de loups ? Les éleveurs et les chasseurs participeront peut-être de bon coeur, mais les naturalistes et les membres d'associations?
- que l'enneigement en Suède et en France sont différent. Le suivi hivernal est déjà compliqué en France, et certains hiver, impossible en montagne par manque de neige. Alors un suivi de traces dans la neige d'octobre à février, et bientôt dans des départements "de plaine", moins neigeux, avec le réchauffement climatique,
- Que le Programme Prédateurs Proies est au point mort et que nous n'avons plus de loups équipés de GPS,
- que le coût du programme loup actuel "se heurte aux contraintes budgétaires des Ministères",
- que les éleveurs et leurs soutiens politiques locaux font des pieds et des mains pour diminuer les frais liés au dossier loup