L’URSS plus deux lettres pour devenir le paradis des riches

Publié le 07 janvier 2013 par Lecridupeuple @cridupeuple

En vérité, je pense qu’il s’est passé en l’an quarante des choses bien plus intéressantes que le départ de Depardieu en Russie. Mais je veux prendre tout de même le temps, avant que le subtil Arthur Fontel ne vienne s’exprimer dans ces colonnes, de parler un peu de ce non-événement tant il est révélateur de bien des choses. Tout part d’un constat que j’ai publié il y a quelques jours sur mon profil facebook : « Avant les riches fuyaient la Russie, aujourd’hui, il fuit en Russie. Pourtant, sauf le nom, rien n’a changé ».

Je vais préciser deux trois bricoles tout de suite, histoire de passer le cap du bon mot. L’Union soviétique n’a à voir avec le communisme qu’autant que mes dents ont à voir avec le dentiste. Je me répète mais il faut que ça rentre dans vos têtes : le communisme n’a aucune historicité, même si l’espoir soulevé par la Révolution bolchévique a donné de l’énergie militante à des millions de femmes et d’hommes dans le monde. Au final, la version stalinienne de l’Union soviétique a bel et bien abouti à un capitalisme monopoliste d’état.

Cela posé, il faut aussi reconnaître que ce capitalisme monopoliste d’état, pour perdurer, a fait le choix inverse de son alter ego le capitalisme dit libéral. Sacrifiant les libertés individuelles, il a assumé de donner au peuple les conditions économiques et sociales minimales : de quoi se nourrir (pas forcément bien, je vous l’accorde), la santé, l’éducation, un logement pour tous malgré tout. Dans le bloc occidental, nous avons toutes les libertés individuelles plus la liberté de crever de froid dans la rue, de raquer comme des morts pour offrir une éducation décente à nos mômes, de ne pas manger à notre faim à partir du 10 du mois pour, en France, environ 8 millions de personnes. Le décor est planté. A priori, pas de discussions sur les données du constat.

Aujourd’hui, l’URSS a grandi de deux lettres pour redevenir la Russie. Les libertés individuelles n’ont pas fleuri pour autant. Comme avant, l’opposition politique est un crime. Comme avant, y être homosexuel constitue un risque mortel. La cause féministe a régressé comme rarement dans un pays que Gérard Depardieu considère comme la « plus grande démocratie du monde ». On pourrait aussi parler de la guerre en Tchétchénie et de la volonté de Poutine, nouveau tsar mais bleu celui-là, d’aller « buter les terroristes jusque dans les chiottes ». En matière de libertés individuelles, non rien n’a changé, tout, tout continuer.

La seule chose qui a évolué entre l’URSS et la Russie, c’est que la santé, l’éducation, les services publics en général ont été privatisés ; que le monopole d’état a été réparti entre les mains de quelques « élus » aux comportements vaguement mafieux pour le bien d’une minorité qui, à défaut d’être « membre du parti », est désormais membre du cercle très restreint de l’oligarchie. En cela, en effet, la Russie est devenue une vraie démocratie à l’occidentale.

On pourrait se demander ce qui rend la désormais Russie attractive pour les gros pleins de tunes ou les cervelles pleines d’air. On pourrait. Si on ne tenait pas compte d’une chose : pour les riches, les libertés individuelles ne sont qu’un paravent. Et la dictature d’hier devient très fréquentable dès lors qu’elle a pris soin de ne plus assurer le strict minimum à son peuple et que la pauvreté n’y est plus considérée comme un fléau. Note pour la Corée du Nord donc : ne tentez pas de remédier à la famine qui tue des milliers de personnes chaque année, confiez juste la propriété de l’industrie de défense à Lagardère et vous entrerez dans le club des démocraties fréquentables.

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Bonus vidéo : The Lords Of The New Church « Russian Roulette »