Magazine Culture
Une question typique lorsqu’on cherche à comprendre la gravitation est celle-ci : « Si l'on prend le système solaire comme isolé et que l’on fait disparaître d’un coup d’un seul le soleil, combien de temps faudra-t-il avant que la Terre ne tourne plus, mais parte (à peu près) en ligne droite ? » Cela revient à se demander si l’effet de la gravitation est instantané ou s’il est limité par la vitesse de la lumière dans le vide. Newton pensait que la gravitation était une force qui se réalisait instantanément entre deux corps.
Selon les théories d’Einstein (relativité générale) par contre, les modifications de la gravitation, exprimées par des changements dans la déformation de l’espace-temps par la matière, sont soumises à la même limite que la vitesse de la lumière (c). Selon Einstein, ces modifications sont des ondes gravitationnelles qui se déplacent dans l’espace-temps (et que l’on cherche toujours à détecter…). Dans ce cas, il faudrait par conséquent attendre environ 8 minutes et 19 secondes pour que la Terre s’en aille en ligne droite, si l’on fait abstraction des autres planètes et lunes bien sûr.
Newton Vs Einstein : Voir la vidéo à 3 minutes 30 (anglais)
C’est la réponse théorique, mais que dit la pratique, c’est-à-dire les observations ? Des chercheurs chinois viennent de trouver des preuves qui semblent montrer qu’Einstein avait raison : la « vitesse de la propagation de la gravitation » est celle de la lumière. Leurs preuves se fondent sur des données concernant les marées dites « terrestres » (les déformations du sol).
Les scientifiques avaient tenté de mesurer cette vitesse de la gravitation avec des expériences et des observations depuis longtemps, mais peu de méthodes valides avaient été trouvées. Plus précisément, la force gravitationnelle qui est issue du soleil et celle qui est enregistrée par les stations au sol sur la Terre ne se déplacent pas à la même vitesse. La différence de temps correspond exactement au temps qu’il faut à la vitesse de la lumière pour voyager depuis le soleil vers les stations orbitales terrestres. Il est vrai que ces stations d’observation sont localisées près des océans et l'on aurait pu craindre une « interférence » des marées océaniques, mais l’effet n’est pas assez puissant pour perturber les résultats.
Cette fois, les chercheurs de l’académie chinoise des sciences (avec l’institut de Géologie et de Géophysique) ont réalisé 6 observations d’éclipses totales et annulaires ainsi que les marées terrestres. Ils ont trouvé que la formule permettant de calculer la marée terrestre, soit la déformation de la surface de la Terre par les forces de marées, inclue un facteur qui a un rapport avec la propagation de la gravitation.
Ensuite, l’équipe a réalisé des observations séparées de l’action de cette force de marée du soleil sur la surface de la planète bleue à la fois au Tibet et à Xinjiang (loin des océans cette fois) et filtré toutes les perturbations possibles.
Les chercheurs ont appliqué ces données au sein de l’équation de la propagation de la gravitation. La vitesse de la gravitation trouvée est comprise entre 0.96 et 1.09 fois celle de la lumière dans le vide (ou, rappel, de toute particule sans masse). L’erreur relative est de 5 %. C’est donc une preuve tangible comme quoi la vitesse de l’effet gravitationnel est celle de la vitesse de la lumière (dans le vide) et pas instantanée.
Pour aller plus loin: Tang, Keyun; Wen, Wu; Hua, Changcai; Chi, Shunliang; You, Qingyu; Yu Yu, DanObservational evidences for the propagation speed of gravity from Earth tides IAU Joint Discussion 7: Space-Time Reference Systems for Future Research at IAU General Assembly-Beijing. Online athttp://referencesystems.info/iau-joint-discussion-7.html, id.5