Je n’avais encore jamais vu La Chute, le film d’Oliver Hirschbiegel qui retrace les derniers jours d’Hitler et de son entourage dans le bunker du dictateur, de fin avril à la capitulation de l’Allemagne nazie. Profitant de son passage récent sur France3, je me le suis enregistré et vu ce samedi soir. Bilan: c’est probablement un film historique, mais c’est surtout un film qui m’a dérangé, durant lequel pendant plus de deux heures, on s’apitoie sur le destin d’une poignée d’individus qui ont détruit la vie de quelques millions d’individus en moins de dix ans.
Prenons le cas d’Hermann Fegelein. Proche d’Hitler (il est marié à la soeur d’Eva Braun), il apparaît, dans ce film, comme l’une des dernières personnes lucides sur la folie d’Hitler, et cherche à se protéger en fuyant. Il est rattrapé dans un bordel, froidement exécuté. On compatit. On oublie que ce même Fegelein a exterminé des milliers de juifs, 14000 dans les marais du Pripet, et quelques milliers d’autres lors d’actions en Ukraine ou en Biélorussie. Une ordure, à vomir. Mais cela, le spectateur ne le sait pas. Il sait surement pour Hitler, Himmler, Goebbels, Göring, peut-être pour Speer, mais il ne sait rien de Mohnke, Fegelein, Schenck, et consors. Bien sûr, on sait tous que ce sont des crapules. Mais pourquoi ne pas le rappeler?
Que manque-t-il à ce film, me suis-je dit, pour qu’on ne tombe pas dans ce piège? Presque rien, en fait: quelques écrans d’explications ou de rappels, à chaque plan où apparaît un nouveau protagoniste. Un écran noir, tout simple, où viendrait s’écrire le nom du protagoniste, et son bilan personnel. De manière à contrer l’élan de « compassion » naturelle (je n’aime pas ce terme, mais je n’en ai pas trouvé d’autre) qu’on éprouve devant un type qui va se prendre douze balles, ou une mère qui empoisonne ses enfants un à un avant de se donner la mort (la femme de Goebbels).