Alors que la perspective d’une sortie de la Grèce de la zone euro s’éloigne peu à peu, grâce aux immenses efforts consentis par sa population conjugués à un soutien européen, nous avons voulu revenir sur les causes de cette crise sans précédent.
« La Grèce et Goldman Sachs » par Transaction EDHEC.
Il était une fois un pays dont les habitants souhaitaient consommer plus et travailler moins. Observant leurs proches voisins, les citoyens se dirent : exportons davantage pour accroître la richesse de notre pays, que notre balance commerciale excédentaire assure notre prospérité. Malheureusement, l’industrie de ce beau pays était faiblement compétitive, leurs dirigeants virent que cette stratégie se révélerait longue et pénible. « Nous voulons consommer tout de suite ! », s’écrièrent les habitants, laissant nos politiciens bien marris de ne pouvoir assouvir cette demande. Heureusement, une banque d’investissement, éprise d’amour et de bonté, leur révéla son secret : pourquoi ne pas s’endetter ? Les recettes futures, augmentées du surplus de richesse créée suffiraient amplement à rembourser ces quelques euros empruntés. Suivant ces sages conseils, le pays connu alors vingt années de félicité.
Quand la crise fut venue, le peuple alla crier famine chez la banque sa voisine.
- Que faisiez-vous la prospérité durant ?
- Nous consommions
- Vous consommiez ? J’en suis fort aise, et bien payez maintenant !
Le mirage de la croissance grecque
La comparaison vous paraît simplificatrice ? Détrompez-vous, la réalité se révèle à peine plus complexe. Pour comprendre la quasi-faillite actuelle de la Grèce, un aperçu historique s’impose. Tout commence en 1986 lorsque celle-ci rejoint L’Union Européenne. Conséquence directe de cette adhésion : les taux d’intérêt auxquels peuvent emprunter l’Etat grec diminuent progressivement. A compter de cette date, les dirigeants vont avoir recours à l’emprunt pour combler le déficit des finances publiques lié principalement aux réductions d’impôt et à l’achat de matériel militaire. En d’autres termes, des ressources exceptionnelles sont mobilisées pour subvenir à des dépenses de fonctionnement. Dans le même temps, des augmentations de salaires sont consentis au sein de la fonction publique et des entreprises d’Etat, qui représentent aujourd’hui encore près de 40% du PIB.
Au début des années 2000, la charge de la dette (les intérêts dus au titre du capital emprunté ndrl) commence à devenir critique. De plus, l’adhésion du pays à la zone euro contraignait le pays à limiter son endettement à 60% de son PIB. Les dirigeants vont alors avoir recours aux services particuliers d’une banque aujourd’hui bien connue du grand public : Goldman Sachs. Sous la supervision de Mario Draghi, alors Directeur Général Europe de la banque et aujourd’hui président de la BCE, cette institution a permis au pays d’outrepasser largement ce ratio.
Le tour de magie de Goldman Sachs
Quelle était donc cette technique miracle ayant permis au pays d’emprunter plus d’un milliard d’euros sans que la commission européenne ne s’en aperçoive ? Il s’agissait d’une opération de SWAP sur devises. Considérée comme légale à l’époque, ce montage financier consiste en l’échange d’une dette libellée en euros contre une autre dette libellée dans une autre devise (principalement en dollars dans le cas grec). Par le jeu d’une convention comptable, cette opération n’apparaît pas sur les comptes de dettes, mais sur ceux de trésorerie, permettant de camoufler habillement une partie de l’endettement du pays.
Un cocktail explosif
Récapitulons donc : Prenez un pays très faiblement industrialisé, ajoutez y un appareil d’Etat quasi-inexistant, saupoudrez le tout d’une dette camouflée ayant servie à financer des dépenses de fonctionnement et des augmentations salariales, vous obtiendrez une magnifique « crise à la grecque » !
Jean-Baptiste Duret