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Vincent Peillon rappelle l’enseignement catholique à l’ordre

Publié le 06 janvier 2013 par Letombe

educmariage

Le député UMP de la Haute-Loire Laurent Wauquiez a vivement réagi aux propos du ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon qui a appelé l’enseignement catholique à faire preuve de mesure dans le débat relatif au mariage pour tous.

Laurent Wauquiez déclare en effet :

« C’est une grande manipulation politique qui cherche à culpabiliser les chrétiens et à faire croire que l’opposition au mariage homo et à l’adoption est le fait d’une minorité (…) Au lieu d’être le projet de tolérance dont se réclament ses défenseurs, cette réforme est d’abord la réforme du rejet, du mépris et de la haine envers les religions ».

La réaction de l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy est habile sur la forme mais grotesque sur le fond. Elle vise à déplacer le débat sur le terrain affectif. Laurent Wauquiez ne discute ni les propos du ministre ni l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Il les caricature. Le manipulateur, c’est donc bien Wauquiez. En effet, les chrétiens pratiquants n’ont attendu ni Vincent Peillon ni le « mariage homo » pour se culpabiliser. Ils y arrivent très bien tout seuls. Ce n’est pas un jugement de valeur. C’est un constat : le christianisme, comme beaucoup d’autres religions d’ailleurs, a toujours eu de sérieux problèmes avec le plaisir, le corps, la sexualité, le relativisme moral, etc. Le christianisme – comme le judaïsme et l’islam – entretient l’image sévère d’un Dieu juge d’une humanité souffrante et pécheresse. N’est-il pas non plus paradoxal de présenter l’ouverture du mariage aux couples homosexuels comme une fermeture alors qu’il s’agit précisément de leur donner les mêmes droits que les couples hétérosexuels ? Quelle perception étrange ! C’est aussi saugrenu que si Laurent Wauquiez avait estimé que la déclaration des droits de l’homme et du citoyen était un texte de rejet, de mépris et de haine envers le genre humain.

Vincent Peillon ne s’est pourtant pas exprimé à la légère. Le ministre de l’éducation nationale a réagi à une lettre que le secrétaire de l’enseignement catholique Eric de Labarre a adressée aux établissements privés catholiques. Dans cette lettre, Labarre leur demande d’organiser des débats sur le mariage pour tous. Vincent Peillon a exprimé ses doutes quant à l’opportunité de tels débats dans le cadre scolaire. Il a mis en garde les établissements confessionnels, notamment ceux qui sont sous contrat avec l’Etat, contre tout débordement homophobe et contre toute instrumentalisation de l’école, notamment des élèves, à des fins politiques et religieuses. Le ministre de l’éducation nationale est donc parfaitement dans son rôle. On est bien loin de la réaction délirante de Laurent Wauquiez.

Ancien élève chez les assomptionnistes, je puis témoigner de la pertinence des propos de Vincent Peillon pour avoir assisté à l’instrumentalisation des élèves à des fins politiques et religieuses. Le contexte était certes tout autre et, à la différence du mariage pour tous, le sujet concernait directement l’enseignement libre. C’était en 1984 quand le ministre de l’éducation nationale de l’époque, Alain Savary, voulait créer un service public unifié de l’éducation. J’avais 12 ans. Je me souviens néanmoins parfaitement des pressions constantes dont nous faisions l’objet, mes camarades et moi, pour aller manifester avec nos parents non seulement contre le projet de loi Savary mais aussi contre François « Mittrand » (quand on était de droite, on avalait toujours le « é » de Mitterrand sur un ton de mépris et avec un air de dégoût) . Je me souviens de l’activisme forcené de nombreux parents d’élèves de l’Apel (association des parents d’élèves de l’enseignement libre), militants notoires de l’UDF et du RPR, qui distribuaient tracts et autocollants à l’entrée de l’établissement, leurs enfants se chargeant de les diffuser dans l’enceinte scolaire. C’était aussi une autre époque. Celle de la guerre froide avec l’URSS. Celle où l’Eglise catholique avait à sa tête un jeune Pape venu d’Europe de l’est. Celle où la France comptait dans son gouvernement des ministres communistes et où certains adultes redoutaient encore la venue des chars soviétiques sur la place de la Concorde à Paris.

Tout cela paraît bien loin désormais. Et pourtant, je suis persuadé que la réaction de Vincent Peillon est largement motivée par le souvenir de cet épisode de la vie politique française qui s’est soldé à gauche par la chute du gouvernement de Pierre Mauroy, le départ des ministres communistes, la nomination du jeune Laurent Fabius à Matignon, et peut-être la défaite aux législatives de 1986. C’est sans doute la raison pour laquelle le ministre de l’Education nationale, soutenu par le président de la République, a réagi à l’initiative d’Eric de Labarre en mettant en garde les établissement privés (en majorité confessionnels) contre toute tentative de manipulation politique. A droite, on a bien compris que l’initiative du secrétaire de l’enseignement catholique pouvait être exploitée politiquement. Laurent Wauquiez s’y emploie. Il y est aidé par Luc Chatel, le prédécesseur de Vincent Peillon, qui accuse maintenant le gouvernement de vouloir ressusciter la guerre scolaire.

Gabale, Mende (Lozère) le 6 janvier 2013

Le blog de Gabale

Eric de Labarre, patron de l’enseignement catholique, veut politiser ses écoles sur le mariage pour tous


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