Des sourates en langue arabe résonnent, enveloppées peu à peu par d'inquiétants bruits électroniques pointillistes. Des cloches, des hululements et des nappes s'avancent puis s'évaporent. Une tension se crée, sorte de suspens très languissant. La musique prend la mesure du temps. Silence, l'artiste compose. Huit minutes en apesanteur et une nouvelle envolée de synthétiseurs s'annonce sur un beat voilé. Moi, d'être à nouveau happé, comme emporté au large. Au final, près d'une demi-heure de délicate suspension. Et un ramassis d'impressions sur ce premier titre de Moondawn, justement nommé « Floating ».
Nous sommes en 1976 et depuis quelques années, en Allemagne, l'on peut assister à la naissance de la musique « ambient », même si l'ampleur du phénomène dépasse les frontières étroites de ce terme. Le rappel vaut ce qu'il vaut, mais à l'époque où Kraftwerkdécollait et pop-isait les recherches expérimentales des pères fondateurs germaniques et français, le compositeur berlinois Klaus Schulze s'associait, lui aussi, à la révolution électronique. A la toute fin des années 60, il participe aux débuts de deux mythes teutons, Tangerine Dream et Ash Ra Tempel, puis se lance rapidement en solo. Il étrenne les nouveaux synthétiseurs; et tout spécialement le « mini moog », et emprunte les pistes du rock psychédélique, de la musique répétitive et des travaux d'avant-garde. Il introduit les percutions électroniques avant ses camarades de Dusseldörf et se pose en créateur du « space rock ». En véritable machine, l'homme enchaîne les disques et peut désormais en mettre plusieurs dizaines à son actif, variant de registres selon les périodes et s'imposant comme un des expérimentateurs majeurs de la musique moderne.
En pleine vague cosmique et hypnotique, et à grands renforts de « moog », Klaus Schulze livre ses plus belles productions dans les années 70. Timewind sort en 1975, Moondown en 1976 puis vient son plus gros succès Mirage, en 1977. A défaut de pouvoir admirer le maître en concert, sa date parisienne venant d'être annulée, je ne pouvais réprimer l'envie d'évoquer ici son oeuvre. Moodawn fait incontestablement partie de ses plus beaux joyaux. Une symphonie magistrale et sombre, servie en trois actes. Trois titres entre ciel et terre, de plus de vingt minutes chacuns. Trois pièces fines qui permettent de prendre l'ampleur du travail du Berlinois. Usage extensif du synthétiseur, bruitisme, répétition et nappes entre autres innovations de ce pionnier de la musique électronique. Est-ce encore nécessaire de vous signaler qu'il s'agit là d'un artiste incontournable ?
En bref : Un classique de la musique expérimentale allemande des seventies et une légende pour les disciples du courant de l'électro « ambient ». Indispensable.
A noter : Klaus Schulze a sorti en juin dernier un nouvel album, Kontinuum, sur le label Synthethic Symphony. Il est dispo chez tous les bons disquaires.
Le myspace de Klaus Schulze.
A lire aussi : Tangerine Dream - Stratosfear (1976) et Kraftwerk - Le mystère des hommes-machines (2004)