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Kiki, Man Ray et les autres, images de nos villes

Publié le 06 janvier 2013 par Petistspavs

C'est chouette d'être malade, vous vous souvenez ? Pas d'école, de la tisane qui étanche la fièvre comme une pluie d'été et des lectures qui émeuvent l'imagination. J'ai profité d'une courte période sur les genoux pour lire des bandes dessinées reçues à Noël de mon amoureuse.

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Notamment Le serment des cinq lords, une réincarnation brillante des très britishes Blake et Mortimer, créés par le belge Edgar P. Jacobs, et signée André Julliard (dessin) et Yves Sente (scénario). Au passage, je me suis rappelé que dans mon enfance, un épisode de Blake et Mortimer avait été adapté en feuilleton radiophonique : La Marque Jaune. Une de mes frayeurs majeures, autant que Les maîtres du mystères, avec leur générique à la scie musicale glaçante. Les personnages étaient interprétés par Yves Brainville (Pr Mortimer) et Jean Topart (Capt Blake), disparu juste avant le début de 2013. Des acteurs, comment dire ? Aussi honnêtes que leurs personnages.

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J'ai lu aussi, toujours en BD, une biographie qui m'a non seulement intéressé, mais transporté dans le pays perdu de mes rêves, le Paris des années vingt-trente, celui des explosions artistiques et intellectuelles. Également offerte par mon amoureuse, Kiki de Montparnasse est une BD signée Catel et Bocquet, éditée comme la série Blake et Mortimer par Casterman, d'une facture assez casanière, mais qui fait et donne envie de voyager.

Kiki, née Alice Prin en 1901,  a été une figure étonnante de cette époque improbable qui nous semble d'autant plus piquante et audacieuse que nous sommes devenus bourgeois et conventionnels. Ni pute ni bourgeoise, Kiki monte de sa province pour s'imposer très jeune comme l'égérie, l'inspiratrice et l'espérance d'une bande d'artistes devenus des icônes, mais aussi l'âme remuante d'un quartier, Montparnasse, qui s'est depuis singulièrement assoupi dans une l(r)aideur conformiste. 

J'ai eu envie (ah, quel beau mot que ce mot là : envie) de rechercher quelques images fixes et films signés Man Ray, qui a du être l'amoureux et l'amant le plus durable de cette femme libérée, de cette tournante domestique. Et inspiratrice majeure du génial photographe. Voici trois images et deux films in-extenso (internet est, parfois, magique). 

Kiki1

Kiki3

Kiki2

Les première et troisième photos sont incontestablement des visions inspirées à Man Ray par sa compagne Kiki. Mais la deuxième, baptisée joliment La prière, je n'en suis pas sûr. La date (1930) et l'endroit (rue Campagne-Première, là où Jean Seberg demandera plus tard "C'est quoi Dégueulasse ?") semblent l'attester, mais je n'ai rien trouvé de certain. Quelqu'un sait-il, au juste, si ce cul en dévotion est celui de la belle Kiki ? Merci de me dire, j'aime tant cette image et tout ce qu'elle remue en moi.

Le retour à la raison est le premier film de Man Ray, réalisé en 1923 pour la fameuse "Soirée du Coeur à barbe" au théâtre Michel le 6 juillet 1923. Cette soirée restée fondatrice, initiée par Tristan Tzara, fondateur (importateur) de Dada en France, marqua la rupture intellectuelle et physique, coups de poing à l'appui des plaisanteries sottes (un cocktail, des Cocteau...) entre le mouvement Dada et les futurs surréalistes. Man Ray restera, non pas sur la touche, mais dans une sorte de neutralité suisse qui lui assurera par la suite une collaboration amicale, autant avec Tzara qu'avec Breton et Desnos. Le titre de son film, le retour à la raison, semble dès lors un manifeste inintelligible pour ce qui fut pourtant l'élite intellectuelle de ce temps.
Kiki en est l'unique actrice, d'ailleurs involontaire. Selon la légende, le soleil jouant avec le corps de la jeune femme à travers les rideaux, Man Ray avait empoigné sa caméra, pour des images privées qu'il réutilisa pour ce très court-métrage.

L'étoile de mer de Man Ray (1928), sur une idée de Robert Desnos, avec Alice-Kiki Prin, André de la Rivière et Robert Desnos, est le deuxième film du photographe. Ces 18 mn de cinéma surréaliste sont présentées par son auteur comme un "Poème de Robert Desnos tel que l'a vu Man Ray". L'effet de brouillage de l'image est réalisé au moyen d'un filtre en verre cathédrale devant l'objectif de la caméra.

Kiki a été inhumée à Thiais. Man Ray, Tristan Tzara et Robert Desnos reposent à Montparnasse, là où leur aventure prit vie.

Desnos Montparnasse

Tzara Montparnasse

Je n'ai pas retrouvé la photographie de la tombe de Man Ray. Peut-être n'avais-je pas osé voler l'image terminale d'un photographe aussi impressionnant (SIC, bien sûr).

Je profite de ce billet pour souhaiter aux lecteurs de passage etaux habituésune très bonne année 2013, sachant que ce ne sera pas toujours facile, pas pour tout le monde en tout cas, mais ces voeux sont sincères. Absolument.


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