Hommage à un inconnu

Par Boris69 @borislesoir

Cet inconnu est mon oncle,Carlo Lesoir.

C'était un iconoclaste,un révolté, considéré comme un va nu pied par les gens bien pensant, un pied nicklé.

Un artiste dans son genre,graveur,dessinateur,peintre, un tombeur aussi,original et critique de notre société;

 de ses moeurs et de ses inepties.

Un humoriste à l'humour noir,un sacré comique faisant toujours rire ,sauf les cons bien entendu, qu'il critiquait sans ménagement.

Il a eu une vie plus que singulière; il s'est fait engagé ,malgré lui, pour le service militaire et il s'est retrouvé en pleine guerre en Indochine;lui qui était pacifiste,envoyé au front.

Cela n'a pas duré longtemps, il est sorti de sa tranché,face à l'ennemi,a baissé son pantalon,

montré son cul et a reçu un éclat de grenade dans les fesses!

Suite à cette mésaventure,fut réformé et toucha une pension ridicule d'invalide de guerre.

Il fréquenta l'académie des Beaux-Arts de Bruxelles ,où il y suivi des cours de gravure.

C'était un noceur,un buveur,il fréquentait divers artistes de l'époque(année60),connus et inconnus.

Il était dans tous les endroits branchés de la capitale,farfelu sans être beau,pas laid non plus ,il avait bien plus que ça,un charme fou.

Il n'a jamais aimé travaillé et n'a pas travaillé beaucoup dans sa vie.

Ce qu'il aimait, c'était boire,faire la nouba,danser,faire rire,lire,sa gravure,fumer,draguer.

Je me rappelle d'une de ces gravures; un cul de jatte dans une caisse en bois à roulette,

tirée par une ficelle par un manchot unijambiste,faisant un trou dans un champs avec sa béquille,

et l'autre y plantant une carotte.

Je ne sais pas comment exactement,mais il a fini par aboutir sur l'île du Levant,faisant partie des

trois îles d'or,dans le département du Var.

C'était à l'époque un des premiers lieux du naturisme en France,crée par deux précurseurs,

défenseurs de l'environnement,et prônant le retour aux sources de la nature:

Docteurs André et Gaston Durville qui fondèrent le domaine d'Héliopolis en 1932,sur l'île.

Dans les années 60 ,70 ,l'île était au sommet de son apogée.

De nombreux campings,plusieurs boîtes de nuit,une école,une épicerie près du port,et un petit supermarché au village au sommet de l'île,une poste,une banque,un bazar,des bungalows en

location,des maisons de particuliers, des restaurants,bars ,hôtels...

Et une foule hétéroclite,composée de toutes sortes de personnes:gays,hétéros,lesbiennes,

marginaux,artistes,petites familles ordinaires,partouzeurs,anciens légionnaires,touristes d'un jour ou de plusieurs jours,voyeurs, gens connus et inconnus durant l'été.

Et l'hiver une bonne centaine d'habitants,ouvriers,maçon boulanger,commerçants,gardiens de maisons inhabitées hors saisons, une vingtaine de gosses à l'école...

Bref ,Carlo avait échoué là ,dans cet endroit hors du commun;il y buvait comme un trou,se tapait

des filles à gogo pendant la saison,vivait à l'année dans une citerne désaffectée ,qui lui servait de

maison.(pas d'eau courante,encore maintenant et donc de grandes citernes en béton pour récupérer l'eau de pluie)

Il faisait des toile sous-marines,qu'il vendait aux touristes; des fonds sous-marins,qu'il prétendait

peindre sous l'eau.C'était beau,plutôt tropical,corallien,loin de la réalité de la méditerannée,mais

plaisant.

Pour subvenir à ses besoins (picoler surtout),il faisait également des spectacles dans un boîte

de travelos:la Caravelle.

Deux exemples de ses spectacles; il avait fait un petit décor,genre devanture d'un théâtre de

marionnette,avec un rideau. Il ramassait les tomates pourries chez l'épicier ,les revendait aux

spectateurs à l'époque dix francs français,ce qui n'était pas rien et un coup il montrait sa tête,

puis son cul et les gens lui jetaient ces tomates dessus!

Un autre de ses spectacles,consistait à s'enfoncer des clous,des aiguilles partout,sur toute la

surface du corps,et le clou de sa prestation était de s'enfoncer un clou dans le zob!

L'hiver s'était plus dur,pas de touristes à plumer,mis à part quelques boulots d'ouvriers,refaire les

routes,peindre des maisons,de la maçonnerie,pas trop dans ces cordes!

Souvent il partait ,en cette saison, retrouver ses conquêtes féminines dans leurs pays d'origine.

Ayant pour seul argent,le prix de son voyage,squattant ces demoiselles,qui après peu de temps,

le jetèrent ,voyant cet énergumène peu enclin à travailler.

Un jour,une dame lui mit le grappin dessus,celle qui fut sa femme durant vingt année .

Une prof de français,folle amoureuse de lui,qui lui fit quitter le Levant,et l'amena à Namur,petite

ville de Wallonie,en Belgique.

La vie changea pour lui du tout au tout;elle le ramena à un mode de vie plus "normal",il ne buvait

plus autant,tout en étant un alcoolique,mais plus modéré,il se consacra plus à la gravure,

ayant une presse dans son garage,il voulu travailler(petit resto-crêperie) mais très vite,sa femme s'y opposa,car il était souvent absent de la maison.

Il devint homme au foyer,s'occupant des tâches ménagères; vaisselle,lessive,repas,entretient de

la maison,pendant de sa femme ramenait le beurre pour les épinards.

Il mourut  jeune,à moins de 60 ans ,par tout ses excès,n'eut pas d'enfant,volontairement,voyant,

clairvoyant de l'avenir peu reluisant, hypothétique devenir.

Il me manque tant,lui et son humour décapant.

Hommage à toi Carlo.