Tous mes vœux à chacun, et particulièrement par ici à ceux qui cherchent un job.
Une déclinaison dans ce premier billet de l'année sur quelques mots familiers du Web, histoire d'en distinguer et interroger quelques uns pour 2013: Partager, Multi (taches/écrans/devices), Big Data, Réseau social.
-Partager: Diviser - pas 'pour mieux régner', mais pour en faire la distribution. S'il y a bien un mot commun sur le Web, c'est celui-ci 'share' (et d'un clic, essaimer sur tous les réseaux sociaux). A la fois, dans l'élan, vouloir faire connaître aux autres, telle trouvaille, telle belle chose, telle 'information', telle idée, etc, et à la fois gratifiant: vous voyez, c'est moi qui l'ai trouvé!
Un mot tellement sur le devant de la scène, qu'il est déclinable à l'envie, version marketing, dans tous les domaines: 'Ils (nous) vont partager'. Et ce sera gagné.
Et puis, il y a le 'partager' qui comprend l'accessibilité; comme par exemple le lien mis récemment en ligne par le site Open Culture: 650 cours/cursus en ligne gratuits des meilleures universités. Aujourd'hui, ça semble presque normal: un lien, un clic, et l'accès au savoir. Yale, Harvard, Standford et bien d'autres, depuis chez soi. A une époque, certes plus lointaine, celui qui aurait détenu un tel pouvoir était roi ou empereur. Ou prince. De ceux qui rassemblaient dans leur entourage les savants et artistes du monde occidental, moyennant leurs fortunes. De ceux qui assemblaient dans leurs palais des 'cabinets de curiosités', pièces dédiées aux collections de toutes choses de la nature comme du savoir des hommes considérés comme remarquables. Esprits ouverts et curieux qui savaient aussi que la connaissance est pouvoir. Que celui qui sait est libre. Libre de se faire sa propre opinion, libre de réfléchir et de faire des choix (en connaissance de cause), libre de remettre en cause (le début du chaos?).
Souvenons-nous aujourd'hui que nous avons cette possibilité, celle de relier et de nommer le monde, d’exercer notre faculté de jugement, et que ce monde digital est une belle voie pour cela. Souvenons-nous que la diversité est une des conditions majeure de la survie (de la vie), en termes biologiques.
Au passage, reprenant mon couplet, je ne tiens absolument pas à obtenir lors de mes recherches sur le Web, des résultats de plus en plus 'adaptés'. Des résultats susceptibles de me plaire. Je veux pouvoir garder l'ouverture, l'aléatoire (!), la découverte, l'hésitation, le doute, le questionnement. L'habitude de ces résultats personnalisés est maintenant tellement prise que j'ai croisé un commentaire sur YouTube à propos d'une chanson qui disait en substance: 'Ah! C'est le meilleur résultat suggéré que j'ai jamais croisé! Merci!'...
Puisse le mot 'partager' continuer à garder son potentiel de liberté.
- Multi: taches, écrans. Des mots de l'année dernière (sur le Web, déjà, ils sont lointains). Face au foisonnement et à la vitesse, nous n'avons plus à 'suivre le mouvement', c'est lui qui doit nous suivre, où que nous soyons (ce faisant, nous le suivrons d'autant mieux...n'est-ce pas?).
'Whereever, whenever'', ou vous voulez, quand vous voulez. Ça c'est la civilisation du loisir. Et la tentation de la distraction, qui n'est jamais bien loin. C'est aussi un nouveau mode de fonctionnement adapté (au développement du digital). Je ne suis pas certaine qu'il ne soit pas plus qu’anecdotique finalement. Une adaptation pratique, pragmatique, utilitaire. Ni plus, ni moins. Y aura-t-il dans le futur de nouvelles interfaces qui simplifieront cela? Oui, sans doute. La question est toujours de savoir ce que nous en ferons.
- Big Data: Autre mot de l'année passée qui va encore un peu perdurer sans doute (une illustration récente sur ce site).
Ou encore cette déclaration datée du 4 janvier dernier de la Library of Congress américaine (voir par exemple, ici) qui, entre 2006 et 2010 a archivé les messages en provenance du site Twitter. Et continue. Sur la période 2006-2010, ils ont recueilli environ 170 milliards de tweets (compressé, cela fait 2.3 terabytes). Le problème est double: comment stocker et comment indexer. Quels moyens? (sans parler des autres collections, à numériser et rendre accessibles, soit 300 terabytes - indiqués dans leur demande de budget 2013).
Car une archive n'est intéressante que si, outre le fait d'être convenablement stockée, on peut la retrouver, évidemment. Et (c'est une science), il faut pouvoir y associer des mots clés, d'autres ressources, plusieurs entrées...
Les chiffres vertigineux s'amoncellent, le fameux 'cloud' devient aussi vaste qu'une mer de nuages par jours de tempête (<oui, un moment de faiblesse sur cette phrase), les entreprises comme les états cherchent des solutions et la technologie adéquate. Des initiatives bénévoles voient le jour pour, méthodiquement, préserver cette mémoire digitale.
'Avant', on archivait les naissances et les décès, les actes fondateurs, les récits de conquêtes et de guerres, la poésie et les récits épiques, parfois la musique, les mythes fondateurs aussi. De quoi demain sera-t-il fait face à ces terabytes de tout? Imaginons le travail des historiens du futur... Quelle vision du monde va se forger?
Et si, comme le fait notre propre mémoire, il fallait oublier certaines choses? Ce qui ne veut pas dire les renier, mais construire, en ré-agencement permanent, une identité.
- Réseau social: ces deux mots, eux, ont la vie dure, et perdurent. Facebook par exemple et ce titre de TechCrunch daté d'hier: 'Facebook Mobile User Counts Revealed: 192M Android, 147M iPhone, 48M iPad, 56M Messenger'... faites les additions (et les prévisions).
Beaucoup considèrent encore que ces réseaux ne sont pas 'la vraie vie', et notamment pour ce qui est des adolescents. Il s'agit pourtant d'une continuité de celle-ci. Il serait temps de vraiment le comprendre ainsi. Nous sommes doté d'un espace de plus dans lequel nous vivons. Un espace de jeux, de rencontres, de découvertes, d’apprentissages, qui n'est pas que de plaisir et de distractions. Plutôt que d'isoler, il peut contribuer à renforcer les liens (entre individus de même groupe, intergroupes) et à en créer de nouveaux. Il peut aussi être dangereux. Il est tout ce que nous sommes.
Si un individu oublie de saluer son voisin de palier ou ne fraternise pas avec son voisin du dessus, ce n'est pas à cause de cela. C'est parce qu'il est mal élevé ou grognon, ou indépendant (ou que le dit voisin est infréquentable). Certes, il peut trouver sur son réseau social familier une consolation ou un supplément d'âme, ou une autre forme de sociabilité. Mais c'est la marche du monde qu'il faut interroger, plutôt que le réseau social (sur lequel, soit dit en passant, on retrouve les mêmes: les grognons et les infréquentables).
Pour conclure, je suis curieuse de voir les futurs développement de tout ceci. Pour moi qui suis passionnée, par exemple, de géographie humaine, Internet est un atlas insensé, et je n'en fini pas de l'explorer. Je lui souhaite de rester en devenir, ouvert, divers et curieux.
Illustrations: Wikimedia Commons/Google.