Presque 20 ans qu'elle est là, Clarika.
Qu'elle pose son regard bienveillant sur elle-même et sur le monde qui l'entoure.
Qu'elle met des mots sur ses émotions afin de les partager avec ceux qui la suivent. C'est ils sont nombreux, les fidèles, à être présents à chacun de ses nouveaux albums. Et ils seront sans doute ravis de découvrir "la tournure des choses", le 21 janvier prochain.
Sur ce nouvel album, le regard que porte Clarika sur le monde qui l'entoure est un regard inquiet.
Sans se défaire de son sens de l'humour habituel, Clarika évoque ses angoisses quant à l'avenir qui se dessine.
Un humour qui s'exprime en particulier sur "Robbie", déclaration d'amour adressée au grand Robbie Williams et invitation, surtout, à partager son quotidien plus simple que celui qu'elle imagine (l'intro du morceau, façon message laissé sur répondeur, m'a littéralement fait éclater de rire à la première écoute).
Si le propos est un peu anxiogène, Clarika a pris soin de l'accompagner d'arrangements simples, un retour aux sources souhaité après un 5ème album nettement plus produit.
Car c'est déjà le 6ème album de Clarika que l'on découvrira le 21 janvier prochain.
Comment, à l'aube de la conception d'un 6ème album, envisage t'on l'étape d'écriture?
Le pari est ambitieux : conjuguer l'envie de se renouveler tout en conservant ce qui définit son identité en tant qu'artiste.
Tâche ardue s'il en est mais le pari est réussi.
Une des spécialités de Clarika, c'est de réussir à évoquer de vastes sujets en passant en revue une série de détails. D'enchainer les images soigneusement choisies pour évoquer des situations ou dresser des portraits où elle met en relief certains traits, façon stroboscopie lexicale.
Et on retrouve ce talent-ci sur le nouvel album, bien sûr, notamment sur Mâcon (quotidien-train-train d'une solitude à pleurer, celle d'un VRP qui parcourt la France à longueur de journée) ou encore sur "Tout est sous contrôle", titre qui clôt l'album et fait écho à celui de l'ouverture.
C'est "la tournure des choses" qui ouvre cet album et lui a aussi donné son titre.
Un morceau qui égrène une série de questions, traduisant l'angoisse quant aux lendemains difficiles qui se profilent actuellement et auquel semble répondre "tout est sous contrôle": plus aucune question dans ce morceau mais un quotidien minuté, planifié, lénifiant, tranquillisant.
Un quotidien dans l'illusion du contrôle. Dont la curiosité semble avoir été bannie. Et qui manque cruellement de vie.
Et si la solution, face aux atrocités du monde qui nous entoure, était de fermer les yeux? ("Mais non mon chat", seul titre dont l'auteur n'est pas Clarika mais Jean-Jacques Nyssen)
"Certainement pas" semble répondre Clarika avec "Sumangali", portrait (à la première personne) d'une jeune indienne, qui pointe du doigt la triste destinée de nos lointains voisins dont dépend notre confort quotidien.
Car c'est là aussi une des qualités de l'écriture de Clarika : réussir à mettre en avant ce qu'on refuse de voir, pointer du doigt nos contradictions et nos petits travers sans jamais tomber dans l'écueil du propos moralisateur.
Au fond, relativisons, toutes ces angoisses insurmontables, elles sont à notre échelle, celle d'un petit rien noyé dans le grand tout (l'excellent "Oualou", entêtant au possible)...
Avec ce 6ème album, Clarika continue son joli chemin dans la chanson française, mue par une insatiable curiosité (qui s'étend à tous les sujets comme en témoigne "fais moi mâle" qui me donne envie de lui conseiller la lecture du "journal d'un corps" qui m'a un peu éclairée sur le sujet)(parce que c'est une question, qui, bien entendu, m'a moi aussi déjà taraudée) et une envie de jongler avec les mots pour se moquer, gentiment, d'elle-même, de nous, de tout (je conseille vivement l'écoute de "je suis bad", joli exercice d'autoflagellation qui fleure bon la dérision).
"La tournure des choses" au fond, c'est ça : un portrait sans fard de notre société, à la fois grave et léger, jamais complaisant, souvent grinçant, porté par des mélodies légères permettant d'alléger les maux et faisant la part belle aux mots.
Bravo.
Mon top 3 :
1. "Et même si" : LA VRAIE déclaration d'amour, celle qui dit qu'on aime toujours malgré tous les défauts mis à jour. (Celle de l'amour qui dure).
"Et même si tu préfères le coca rondelle à un Pétrus tombé du ciel, que tu portes des t-shirts XXL orange, que tu danses un peu moins bien que Kylie, que t'es moins calé en cata que Bruce Lee, qu' tu t'endors parfois chez nos amis...dommage"
2. J'veux des lettres : parce que je partage avec Clarika la nostalgie des échanges épistolaires
"quand l'encre bleue coule à flot ça fait des petits ruisseaux, et c'est beau..."
3. "C'était mieux avant" : pour l'ironie dans le propos et l'inévitable sourire provoqué (et la mélodie qui me donne TELLEMENT envie de me trémousser)(vivement le concert)
"Comme il y avait pas la télé, on pouvait s'faire la gueule à table"(...)""y'avait pas encore d'TGV et dans les trains y'avait des fenêtres, 10 heures pour descendre à Béziers mais on pouvait passer la tête"
(mention spéciale à "Robbie", tu l'auras compris, ce titre me fait irrésistiblement sourire)(oui je triche)(ça fait 4 et alors?)(si ça ne tenait qu'à moi il y en aurait d'autres...)
Et si je ne devais retenir qu'un passage ce cet album, ce serait celui-ci :
Saurons ns garder l'innocence et la candeur des premières fois, des premières danses, saurons nous garder le meilleur?
("la tournure des choses")
Rendez-vous le 21 janvier pour la sortie officielle de l'album, dont le premier extrait "Oualou" est à écouter ici :
Et Clarika est à retrouver dans un prochain CD'Aujourd'hui, aussi.
(avec une interview retranscrite par ici, dans la foulée de la sortie de l'album, a priori)