Mignard et la cassette de Cahuzac

Harpagon avec sa cassette

Juan a rappelé cet extrait d’une interview de Maître Mignard, avocat du site Mediapart. A propos de l’affaire Cahuzac, celui-ci a déclaré  :

« J’entends cependant des confrères journalistes vous demander des preuves comme Harpagon sa cassette. Mais, comme je l’ai indiqué, ce n’est souvent qu’au stade des indices que les affaires commencent, rarement au niveau des preuves. Or ce n’est pas à Mediapart ou à quelque journaliste de rapporter des preuves – il ne manquerait plus que cela ! –, c’est à la justice. »

Cette déclaration fait froid dans le dos quand on prend le temps d’en mesurer toutes les implications concrètes.

1) Pour accuser quelqu’un par voie de presse pendant plusieurs semaines, il suffit d’indices et non de preuves si j’en crois Maître Mignard. Il suffit donc de simples présomptions sur la vraisemblance de faits délictueux. Selon ce raisonnement, la presse accuse et c’est à la justice de démontrer ensuite le bien-fondé de l’accusation. La presse affirme. La justice démontre. Curieuse distribution des rôles.

2) Oui, curieuse distribution des rôles car c’est au contraire à la presse, et en l’espèce à Mediapart, de rapporter les preuves de ce qui est avancé. Si ces preuves ne sont pas apportées, le délit de diffamation est alors potentiellement constitué sauf si Mediapart est en mesure de démontrer sa bonne foi, à savoir la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression, ainsi que la qualité de l’enquête.

3) Maître Mignard semble reconnaitre implicitement que Mediapart ne possède pas de preuves solides de ce qu’il avance au sujet de Jérôme Cahuzac. En effet, il est facile de se dispenser de rapporter les preuves qu’on ne détient pas. Pourtant, devant le juge, il faudra bien que Mediapart apporte rapidement des éléments probants. Je rappelle que Jérôme Cahuzac a assigné Mediapart.

4) La comparaison avec la cassette d’Harpagon est osée et d’ailleurs j’avoue ne pas très bien en comprendre le sens. Dans la pièce de Molière, la cassette de l’avare est réelle. Dans la pièce de théâtre de Mediapart, la cassette de Cahuzac, elle, ne l’est pas… pour le moment.

5) Cette interview est pour le moins cocasse. Elle ressemble à une consultation juridique. Il est assez inhabituel de rendre public ce qui devrait plutôt relever du secret professionnel, c’est-à-dire d’un échange confidentiel entre un avocat et son client.

Mignard confirme donc que la stratégie de Mediapart consiste maintenant à se décharger sur la Justice. Le 27 décembre dernier, Edwy Plenel a écrit au procureur de Paris non pour porter plainte contre Jérôme Cahuzac (Mediapart n’a aucun intérêt à agir), mais pour réclamer l’ouverture d’une enquête ! Tiens ? Comme c’est bizarre… Il me semblait avoir compris que Mediapart avait enquêté. J’y vois donc pour ma part une confirmation de la fragilité des accusations de Mediapart puisque le site d’informations demande désormais à la Justice de faire le travail d’investigation qu’il se targue pourtant d’avoir accompli.

Gabale, Mende (Lozère) le 3 janvier 2013

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