L'olympisme est un idéal. Mettre un coup de canif dans sa charte équivaut à vider ses
symboles de leur sens. Le choix du CIO en 2001 de confier l'organisation des Jeux à Pékin avait été assorti de nombreux messages invitant la Chine à infléchir sa politique dans
le domaine des droits de l'homme. Peine perdue. Aujourd'hui Jacques Rogge et son petit auxiliaire français Jean Sérandour ne peuvent que constater amèrement l'échec de leur pari. Non, les
dictateurs au pouvoir à Pékin n'ont pas changé. L'olympisme et ses représentants paient leur naïveté, ou plutôt leur orgueil, au prix fort.
La flamme olympique, qui arrive ce week-end à Paris, vacille et son relais n'est plus, dans ce contexte, qu'une grossière
pantomime. Les athlètes français, malgré leur geste audacieux de porter une badge "Pour un monde meilleur", en sont les victimes collatérales. Ce slogan, beau comme une
annonce publicitaire, marque leur impuissance et leur peu de sens politique. Depuis des siècles et sous toutes les latitudes, les pires dictatures carburent en effet à coups de "lendemains
qui chantent", "demain on rase gratis" et autres "mondes meilleurs", où le consensus sert de paravent à l'horreur…
Alors, Parisiens, le mieux que vous ayez à faire est de laisser passer
l'allume-gaz olympique dans une indifférence hostile. Tournez le dos à ce symbole de paix et d'universalité, hélas dévoyé. Mettez à vos fenêtres des drapeaux tibétains, dont la
vente en France ne s'est d'ailleurs jamais aussi bien portée. N'allez pas gâcher le plaisir de gros bébé Douillet, qui dans notre quotidien sportif national, prévenait samedi matin Reporters sans
frontières d'un pathétique "Ce n'est pas la peine de venir nous embêter". On peut être un immense champion sur un tatami et un petit bonhomme en dehors. Surtout, n'allez pas essayer de
courir à côté du porteur de la flamme, comme un vulgaire fan de cyclisme à côté du peloton dans la montée de l'Alpe d'Huez. Si d'aventure vous vous preniez les pieds dans le protocole et faisiez
tomber le coureur et sa torche, vous donneriez raison à Jacques Sérandour, le patron du CNOSF, qui craignait, sans rire, dans un récent entretien, qu'un défenseur des droits de l'homme ou, que
sais-je, un escadron de moines tibétains en furie s'en prennent à "l'intégrité physique" des athlètes au flambeau. Grotesque… Grotesque et pitoyable.