Si vous me connaissez un tant soit peu, vous savez que je suis une grosse quiche moisie en latin. Déjà je déteste le latin, je trouve que c'est inutile et beaucoup de peine pour pas grand-chose, et surtout c'est source d'un désespoir qui pourrait nous être épargné en khâgne compte tenu de la masse déjà insurmontable de travail que nous avons à torcher. Bref, continuer à nous faire étudier cette matière contre notre volonté me semble débile, d'autant que je suis certaine qu'il y a suffisamment de volontaires et de personnes ayant un niveau correct en latin pour faire vivre une classe, plus intéressée et moins nombreuse. Faire du latin une option facultative rendrait service à tout le monde, mais apparemment, nous allons devoir attendre un renouvellement générationnel du corps enseignant à Ulm.
Je me sens donc plutôt mal placée pour vous donner des conseils sur la khôlle de latin. Cependant, cette année, contre toute attente, j'ai progressé. L'année dernière j'avais 6, et cette année 9. Ok, ça reste un score tout pourri, je suis bien d'accord avec vous. Mais une progression de trois points en khôlle, dans une matière aussi pète-boules, je trouve que c'est déjà magnifique. Mon expérience de progression peut peut-être vous être utile, si comme moi, vous avez l'impression d'être un cas désespéré. Et en plus, j'ai une amie, Valérie, qui en très forte en latin, donc je lui ai demandé toutes ses astuces pour pouvoir vous en faire profiter. Mazette, je suis rudement sympa, ce soir. Ca doit être l'effet bonne année.
Traduire du latin, un casse-tête ? Mais non pas du tout, c'est très agréable, au contraire. Moi j'adore.Comment réussir sa khôlle de latin ?
Sous-entendu : comment produire une introduction instruite et intelligente, une version qui veuille dire quelque chose en français sans utiliser de dictionnaire ET un commentaire construit et argumenté en une heure sur un texte long comme un python indien ?
Et bien figurez-vous que la situation n'est pas si désespérée que ça, notamment s'il s'agit de votre première khôlle de latin. Evidemment, cela dépend beaucoup du khôlleur, mais en ce qui nous concerne, étant donné que cette épreuve est une des plus difficiles en khâgne, notre prof nous a complaisamment dispensés du commentaire pour la première khôlle. Deuxième petite chose sympa : la khôlle n'a pour utilité concrête que de nous préparer à des oraux que nous n'auront jamais peut-être pas à passer. Les profs le savent et les conditions strictes du concours sont rarement suivies à la lettre en pratique. Cela signifie que si vous êtes nul en latin comme moi et si vous galérez vraiment, votre khôlleur peut vous aider à vous corriger et à construire. En plus, sachez que même pour les vrais oraux, le nombre de mots de vocabulaire que nous sommes en droit de demander est passé de dix à vingt cette année. Nous sommes donc très chanceux.
1) La première chose est de ne pas envisager de partir en khôlle de latin sans savoir par coeur ses conjugaisons et déclinaisons, et si vous êtes courageux, la grammaire latine dans son intégralité. Vous aurez forcément des questions de grammaire et si vous vous trompez sur un truc aussi basique, vous allez vous faire déboîter, parce qu'apprendre sa grammaire, tout le monde en est capable, donc si on ne le fait pas, on passe pour un gros glandu.
2) Bien lire le texte en entier avant de commencer à traduire. Durant cette lecture, il faut avoir soin de repérer sa structure, en délimitant les différentes unités syntaxiques (entre ponctuations fortes) puis les différentes propositions qui le composent. Pour cela il faut s'appuyer sur les verbes conjugués et les systèmes de coordinations. Traduction : souligner les verbes en analysant temps, mode, personne et entourer les mots subordonnants pour comprendre quel est le rapport qui coordine les verbes. Exemple : subordonnée relative, circonstancielle, complétive, etc.
3) Une fois qu'on a compris comment les verbes fonctionnaient ensemble, il faut analyser les autres mots dans chaque unité syntaxique. Traduction : prendre chaque mot, définir son cas, son genre, son sens, en déterminant bien les mots qui vont ensemble.
4) S'il manque des verbes, c'est soit le verbe être, soit le verbe qui précède immédiatement dans le même niveau syntaxique qui est sous-entendu.
5) Sur une heure de préparation, il faut consacrer quasi tout le temps à la traduction (pour la bonne et simple raison qu'il faut d'abord comprendre pour commenter) cinq-dix minutes à réserver au commentaire : juste mettre les grandes idées, essayer de faire des parties et d'avoir une problématique, quelques trucs à dire en conclusion, et improviser le reste à l'oral pour commenter le détail du texte...
6) LE conseil des gens qui sont forts en latin mais qui est en fait un gros mytho : le latin c'est d'abord logique, c'est un jeu de construction, un puzzle. On ne peut que s'approcher du sens si on construit la phrase. Même si on ne comprend pas ce que ça va bien pouvoir dire, il faut faire l'effort de construire. C'est crucial : d'abord ça donne bien plus de chances de comprendre le texte, et même si au final on n'arrive pas à comprendre, le jury sera bien plus sensible à une proposition de traduction mot à mot conforme à la grammaire (donc très laide, et qui parfois semble ne rien vouloir dire) qu'à une glose sur le texte, une interprétation hasardeuse à partir d'un sens supposé des mots.
7) Pour le vocabulaire, nous avons donc droit à vingt mots gratuits, mais rare sont les professeurs qui nous les donnent spontanément. Mon prof me prend pour une débile finie chaque fois que je lui demande un mot dont le sens lui semble flagrant. Il vaut donc mieux essayer d'inférer le sens des mots avec le contexte, mais aussi en essayant de retrouver des racines (rattacher un verbe à un nom qu'on connaît ou vice versa, décomposer certains verbes avec préfixes) et partir de postulats quitte à se corriger ensuite dans l'entretien, plutôt que de demander directement un mot qu'on est censé être capable de deviner.
8) Essayer d'avoir au préalable une connaissance rapide des grandes œuvres de la littérature permet de se repérer plus rapidement face à un extrait dont on a le titre (ou parfois le contexte dans un chapeau introducteur) si on a une vague idée du thème d'une œuvre, de l'intrigue, des rapports entre les personnages. Pour cela, ne pas hésiter à lire des auteurs antiques en traduction, mais on a rarement le temps, surtout si on n'aime pas trop les lettres classiques et qu'on passe déjà tout son temps sur le latin. La solution de secours reste de lire la présentation de chaque auteur dans Les Lettres latines de Morisset et Thévenot, ouvrage que tout khâgneux est censé posséder.