The secret river / Le fleuve secret de Kate Grenville

Par Angggel

The secret river de Kate Grenville, Text Publishing 2005
Le fleuve secret traduit par Mireille Vignol, Editions Métailié 2010


Le fleuve secret est le premier livre d’une trilogie écrite par Kate Grenville qui retrace l’histoire complexe de la colonisation de l’Australie. Elle s’est inspirée de l’histoire de son ancêtre, Salomon Wiseman, pour raconter l’arrivée des premiers bagnards en Nouvelle-Galles du Sud, près de Sydney.

Le personnage principal est William Thornhill, batelier sur la Tamise, qui pour subvenir aux besoins de sa famille n’a d’autre choix que de voler du bois précieux  sur le bateau de son patron. Son entreprise échoue et il est condamné à la peine de mort. Il réussi heureusement à changer le jugement et est déporté en Australie pour la « fin de sa vie naturelle ». Là-bas, il est placé sous l’autorité de sa femme Sal, et redevient un homme libre quelques années plus tard.

Il retrouve un travail de batelier sur le fleuve Hawkesbury, menant à Sydney Cove. Petit à petit il gagne de quoi s’acheter un vieux bateau rebaptisé Hope en souvenir de son Angleterre natale. Lors de l’une de ces excursions sur le  fleuve avec Blackwood, un ancien ami de la Tamise, il repère un petit lopin de terre où il imagine pouvoir habiter et tirer toutes les richesses nécessaires pour nourrir sa famille. Grâce à sa détermination, et après quelques mois pour convaincre sa femme,  il pose un premier pied à Thornhill’s Point.

C’était sans compter  sur les « noirs » qui vivent déjà dans la région. Malgré des signes clairs qu’ils habitaient déjà là, Thornhill les ignore et commence à cultiver du maïs. Après des mois de cohabitations craintives mais paisibles, et quelques échangent (bonnet, farine d’un coté, poterie et kangourous de l’autre), les aborigènes se rebellent contre ceux qui ont pris leur terre de force. Il pillent et brûlent les champs de maïs des nouveaux habitants. La vengeance des bagnards sera terrible.

Ce roman fascinant nous plonge au cœur de la conquête de l’Australie au début du 19e siècle.

Kate Grenville écrit un récit réaliste, collant au plus près de la réalité de l’époque.  Elle donne de nombreux détails sur la vie de tous les jours de cette famille qui découvrent la nature sauvage de leur nouvelle nation et sur leur adaptation à la rude vie au bord du Hawkesbury. La confrontation entre les aborigènes et  « blancs » est au centre du roman, mais elle est silencieuse pendant la majeure partie du récit, comme un serpent tapie dans l’ombre. Le doute plane, la tension croît à mesure que des histoires plus terribles les unes que les autres surgissent. On ne se demande pas vraiment si tout va exploser, mais plutôt quand et comment.
Voici un petit extrait d’une scène vers la fin du roman qui est très parlante :

C’était aussi calme qu’un piège. « Viens », murmura-t-il. « Vite Sal, vaut mieux partir ». Mais elle l’ignora, marchant dans le camp, regardant ce qui en avait fait une maison : la façon dont les pierres étaient disposées autour du feu pour déposer la nourriture, la pile d’os et de déchets qui avaient été proprement ramassé au bord de la clairière. Quand elle s’approcha du balai, elle le ramassa et balaya le sol une fois avant de le lâcher. […].
Ils étaient là, dit Sal. Voir le lieu l’avait rendu réel à ses yeux d’une façon qu’elle n’avait pas réalisé auparavant.  Elle se tourna vers Thornhill. « Comme toi et moi à Londres. Exactement comme nous ». […] « Tu ne me l’as jamais dit, murmura-t-elle. Tu ne me l’as jamais dit ».
Il s’emporta à cette accusation non dite.  « Ils ont tout le reste, dit-il. Pour ce qu’ils veulent en faire. Regarde autour de toi Sal, ils ont tout ca ».
« Ils étaient la, répéta-t-elle. Leurs grands-mères, et leurs arrières grands-mères. Depuis le début. Elle se tourna enfin vers lui et le fixa droit dans les yeux. Même le balai pour le garder propre, Will. Exactement comme moi ».

J’ai beaucoup aimé ce très beau roman qui tout en divertissant nous en apprend beaucoup sur cette période très sombre de l’l’histoire de Australie.

Le fleuve secret a été nominé pour les prix Miles Franklin, Booker Man et le IMPAC Dublin, et fut récompensé par le Commonweath Writers’s Prize et NSW Premier Literary awards. Le deuxième volet de cette trilogie, Le lieutenant (2008) est paru cette année aux Editions Métailié. Le troisième roman, Sarah Thornhill (2011) paraîtra en mars/avril 2013 toujours par la même maison.
Plus d’information sur le site de l’auteur : www.kategrenville.com