Allez aux putes avec Chester Brown !
Récit autobiographique de Chester Brown, « Vingt-Trois Prostituées » permet à l’auteur canadien de partager son expérience personnelle concernant le sexe tarifié, tout en livrant une sorte de pamphlet en faveur de la légalisation de la prostitution.
« Vingt-Trois Prostituées » est donc l’histoire d’un auteur de comics qui, suite à une rupture avec sa compagne, rejette toute possibilité d’amour romantique et a recours à une forme de relation plus pratique et moins compliquée pour lui. Cet album résume cette décennie de rencontres éphémères et tarifiées.
Chester Brown y relate donc son expérience personnelle en tant que client régulier en décrivant ses actes sexuels de façon crue et presque clinique, mais sans jamais devenir vulgaire. Afin de préserver l’anonymat des différentes femmes qu’il rencontre, l’auteur élimine toutes les informations qui pourraient compromettre leur identité. Ne vous attendez donc pas à retrouver la même empathie qu’envers la Jeanine de Matthias Picard, car Carla, Angelina, Anne, Amanda, Susan, Wendy, Diane, Danielle, Jolene, Yvette, Gwendolyn, Alexis, Hillary, Béatrice, Jenna, Kitty, Larissa, Arlène, Edith, Laura, Denise, Nancy, Millie ne sont que les noms d’emprunt de ces corps sans véritable personnalité.
L’intérêt principal de cet album est le questionnement de l’auteur tout au long de ces vingt-trois rencontres payées, ainsi que l’interprétation honnête et distanciée qu’il en donne par après. De ses états d’âmes aux réactions d’amis à qui il ne cache rien, en passant par ses interrogations concernant la sécurité, les maladies, le proxénétisme, la peur d’être arrêté ou la nécessité de laisser un pourboire, ce journal propose un témoignage intéressant sur le plus vieux métier du monde, mais également un éclairage sur la vie personnelle de l’auteur.
Ce récit est non seulement drôle et cynique, mais également particulièrement sincère et courageux. Si l’honnêteté de l’auteur n’est pas à remettre en cause, ses thèses concernant le sexe tarifié ne feront par contre pas l’unanimité. Il poursuit d’ailleurs son plaidoyer pour la libéralisation de la prostitution lors d’une longue postface de près de cinquante pages. Je ne partage absolument pas son pessimisme envers le couple et l’amour, ni sa vision ultralibérale de la prostitution, où le corps se résume à un objet commercial dont chacun est libre de disposer comme bon lui semble, mais j’ai malgré tout bien aimé cet album.
Visuellement, on retrouve cette même froideur dans ce dessin noir et blanc épuré, dénué de toute émotion, ainsi que dans ce découpage simple en gaufrier de huit cases par planche.
Une album que vous retrouverez également dans mon Top du Festival d’Angoulême 2013 et que j’ajoute également dans mon bilan de 2012.
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