Magazine Politique

Commander à terre, à mer, à l'air

Publié le 02 janvier 2013 par Egea

Commander dans l’armée de terre est-il quelque chose de spécifique ? Certainement. Prenez trois jeunes qui font la même préparation scientifique pour entrer dans les écoles d’officier : ils sont les mêmes, avec les mêmes goûts et les mêmes caractères. Quinze ans plus tard, le premier ayant réussi Saint-Cyr, le deuxième Navale et le dernier l’École de l’air, vous avez trois officiers qui présentent des attitudes professionnelles profondément différentes. Leur expérience particulière du commandement les a changés. C’est donc que chaque armée a déteint sur leur personnalité. Cette comparaison succincte permettra de dégager les particularités de l’armée de terre.

Commander à terre, à mer, à l'air
source

1/ Commandement et marine nationale.

Lae marin dépend de son bâtiment. Il subit en permanence l’économie des forces et doit en permanence compter ce dont il dispose : la place, les hommes, l’autonomie.

L’espace est compté, ce qui entraîne un certain quant à soi. La promiscuité étant inévitable, chacun doit respecter le peu d’intimité de l’autre. D’où une discrétion et un silence qui surprennent au premier abord.

Le bâtiment vogue sans cesse : cela nécessite une permanence qui justifie l’organisation du travail en trois-huit pendant de longues semaines, et pour tous les postes : ainsi, le « pacha » est lui-même astreint à cette règle.

Ce « système » impose de faire confiance à l’autre, et de considérer chacun comme utile. A bord, il n’y a pas de fonctions négligeables ce qui explique que les spécialités (logistique ou transmissions ou canon) ne soient pas déterminantes pour conduire les carrières. L’équipage doit donc trouver un équilibre d’abord entre les différentes fonctions techniques (la marine nécessite des compétences techniques et scientifiques), ensuite entre les hommes. Mais cette convergence est collective et nécessitée par le navire.

Enfin, le « pacha » est seul maître à bord, selon l’expression consacrée. Il s’ensuit qu’une certaine sécheresse des rapports peut être possible.

Le chef marin commande autant un navire qu’un équipage.

2/ Commandement et armée de l’air

Un avion qui tombe en panne tombe : plus encore que le marin, l’aviateur dépend de la technique. Et alors que l’équipage marin était embarqué sur le « véhicule », il n’y a dans les avions qu’un seul « pilote », qui est à la fois le conducteur, le tireur, l’observateur, le transmetteur, et le chef de bord. Tout le reste dépend du sol et à dû être préparé « avant ».

Il s’ensuit une organisation fondée sur la concentration des efforts en vue de la mission. Celle-ci est longuement préparée tactiquement et techniquement avant son déroulement. De même, une sorte de préséance s’installe par-dessus la hiérarchie des grades : le personnel « embarqué » est considéré comme « au-dessus » du personnel à terre, les pilotes « au-dessus » des accompagnants (quand il y en a) et les chasseurs, tout d’abord parce qu’ils pilotent « seuls » leur aéronef, « au-dessus » des autres.

De même, les aviateurs ont pris l’habitude de procédures très codifiées (les check-lists) de façon à laisser le moins de part possible à l’aléa. L’approche technicienne entraîne une approche codifiée de la résolution des problèmes. L’humain n’arrive qu’en ultime ressource. Le commandement consiste alors à s’insérer dans une très grande mécanique, qui organise les opérations aériennes, fort complexes au demeurant. Le chef doit prendre des décisions lorsque des éléments déjouent la prévision.

Le chef aérien est un régulateur de l’imprévisible.

3/ Commandement et armée de terre

A la différence des autres armées, l’armée de terre n’a pas besoin de véhicule pour combattre. Ceux-ci viennent « par-dessus » le combat primaire, fait de choc et de feu. Le sol ne défaille pas, il est toujours là sous les pieds. Il constitue toutefois un milieu plus complexe et plus fractionné d’obstacles, relativement à la plus grande fluidité des milieux marins et aériens : relief, végétation, marais, coupures, routes, agglomérations composent autant de stries dans lesquelles la manœuvre va pouvoir se loger. Le milieu terrestre est plus que les autres propice à la contingence, et chacun des adversaires, l’ennemi comme l’ami, va vouloir en jouer, et exprimer ainsi sa liberté de manœuvre.

Par ailleurs, l’épure du combat terrestre est celui de l’infanterie, où « il n’est de richesses que d’hommes ». Jean Bodin, souvent cité, l’entendait d’abord d’un point de vue quantitatif : dans le combat terrestre, le nombre d’hommes fait la différence. Mais aussi son moral et sa combativité. Cela entraîne donc un commandement d’abord centré sur les relations humaines, et une certaine relativisation de la technique.

Le chef terrien doit avoir du prestige et, bardé de sa certitude et de son audace, emmener sa troupe à l’assaut au milieu du tumulte des armes. Voyez Bonaparte au pont d’Arcole : peu importe la véracité de l’anecdote, ce qui compte c’est la vérité qu’elle exprime.

Le reste, tout le reste découle de cette vérité première : le chef terrien est d’abord un entraîneur d’hommes.

O. Kempf


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Egea 3534 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines