Sept raisons de désespérer de la gauche déduites du discours même des militants du Front de gauche.
Un billet d'humeur de Fabrice Descamps.
Il y a, dans ma nouvelle salle des profs, une de ces grandes gueules comme on en trouve beaucoup dans l'Éducation nationale. Il est évidemment représentant du SNES au conseil d'administration, évidemment militant du Front (national) de gauche et évidemment... prof de sciences économiques et sociales (pas le choix, ce genre d'enseignants n'existe qu'en deux versions, "prof de SES" ou "prof de philo").
L'autre jour, il vitupérait contre François Hollande : "Voilà ce qui arrive", se lamentait-il, "quand on se met à gouverner à droite. La gauche recommence chaque fois comme en 83". Mon Dieu, quel réjouissant spectacle que cette gauche française. Disséquons un peu son discours pour nous amuser encore un peu avant la rentrée des classes.
1. Notons d'abord que, dès qu'elle gouverne, la gauche "gouverne à droite", qu'on se le dise. Inutile en conséquence d'aller voter. Si la droite gagne, elle gouvernera évidemment à droite et si la gauche gagne, elle trahira rapidement ses idéaux pour gouverner également à droite. Je ne comprends dès lors pas du tout pourquoi de telles gens perdent leur temps à militer. Il ferait mieux d'aller à la pêche à la mouche. Tout cela en dit déjà assez long sur leur incohérence. Mais continuons.
2. Si la gauche est condamnée, semble-t-il, à gouverner à droite, c'est qu'il y a là une véritable fatalité : on ne peut apparemment jamais gouverner à gauche. Non seulement il ne sert à rien de militer, mais pire, militer est absolument nuisible puisqu'aider la gauche à prendre le pouvoir, c'est l'aider concrètement à gouverner à droite. Le militantisme est donc doublement inutile.
3. Si gouverner est forcément gouverner à droite, cela signifie que la réalité est de droite. Gouverner en effet implique de prendre en compte la réalité. Donc la réalité est de droite puisqu'un gouvernement de gauche qui s'y adapte gouverne automatiquement à droite. Alors, si vous me suivez bien, non seulement le militantisme de gauche est doublement nuisible, mais il est également inepte puisque la réalité est de droite. La gauche ferait alors mieux de prendre acte du fait que la réalité est de droite et hâter son propre aggiornamento idéologique. Le seul but raisonnable qu'elle pourrait encore se fixer serait d'adoucir le caractère droitier de la réalité. Je propose en conséquence à nos militants de gauche de se rebaptiser "la droite douce", comme il y a "la droite forte", "la droite populaire" et "la droite sociale". "La droite douce", c'est plus mignon et puis plus réaliste. En revanche, continuer à militer à gauche n'a aucun sens puisque cela n'a aucune chance d'influer sur la réalité... qui est de droite, comme chacun sait désormais.
4. Si la gauche de gouvernement est toujours de droite, cela veut encore dire que la "vraie gauche" n'aura aucune chance de jamais gouverner. Elle se condamne ainsi à se tenir éternellement éloignée du pouvoir. Pourquoi militer alors ? Le militantisme de la "vraie gauche" est donc quadruplement absurde.
5. Quand la gauche de gouvernement est au pouvoir, elle fait le travail de la droite ; ainsi la droite a-t-elle le beurre d'une politique de droite avec l'argent du beurre de son opposition à un gouvernement de gauche. Militer à gauche est donc quintuplement grotesque puisque c'est faire le jeu de la droite.
6. Si gouverner, c'est obligatoirement gouverner à droite, alors le nombre de "vraies gens de gauche" est ridiculement petit en France et dans le monde. Un "vrai militant de gauche" devrait se dire qu'il a un nombre ridiculement petit de chances de convaincre les autres du bien-fondé des "vraies idées de gauche" puisque tout le monde est de droite sauf les adhérents du Front de gauche (et encore y a-t-il sûrement des traîtres parmi eux !). Militer au Front de gauche est en conséquence six fois voué à l'échec.
7. Les six raisons de désespérer de la gauche que je viens de déduire du discours même du Front de gauche devraient amener les militants de ce parti à se poser des questions sur le sens même de leur engagement. Or visiblement, rien ne les ébranle... pas même les conséquences logiques de leur propres idées. Comme disait le Logicien, de falsibus sequitur quodlibet, de propositions fausses, on peut déduire ce que l'on veut et par exemple un militantisme surpris six fois en contradiction flagrante avec les conséquences logiques de ses propres principes.
C'est donc non pas eux qui ont tort de militer, mais moi qui ai tort de perdre mon temps à m'intéresser à leurs idées. Car tout cela ne sert décidément à rien.
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