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Le 29 novembre dernier, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) a accordé à la Palestine le statut d’État observateur non-membre de l’ONU. Avec 138 voix pour, 9 contre et 41 abstentions, les États membres ont voté en majorité en faveur de cette résolution. Comme à son habitude, l’ONU a une fois de plus montré sa bonne volonté pacificatrice au monde entier, à l’image de son mandat qui consiste à œuvrer au maintien de la paix dans les cinq coins du globe. Pourtant, cette reconnaissance de la Palestine à titre d’État observateur n’apporte aucun ingrédient supplémentaire au processus de paix entre Israël et la Palestine.
Un faux détour diplomatique
À écouter nos médias d’information publics, on a l’impression que cette reconnaissance de la Palestine par l’ONU est un pas nécessaire au processus de paix avec Israël. Lors de la séance du 29 novembre de l’Assemblée générale de l’ONU, le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a pris la parole devant les 193 États membres : «The General Assembly is called upon today to issue a birth certificate of the reality of the State of Palestine». Ces paroles témoignent à la fois d’une bavure au droit international public en ce qui a trait à la définition d’un État, tout comme d’une ironie historique que nombre de journalistes oublient de mentionner. Il y a 65 ans, jour pour jour, un État palestinien aurait pu voir le jour aux côtés de son voisin Israël. La résolution 181 de l’ONU du 29 novembre 1947 prévoyait le partage du territoire de la Palestine en deux États : un État juif et un État arabe[1]. Soit dit en passant, selon le découpage de la Palestine de 1947, la ville de Ramallah, qui aujourd’hui se situe dans les territoires disputés de la Cisjordanie, aurait pu revenir aux Palestiniens s’ils avaient accepté le plan de partage du territoire. Israël accepte le plan de partage du territoire de l’ONU et déclare l’indépendance de l’État d’Israël le 14 mai 1948. Le même jour, quatre armées de pays arabes déclarent la guerre contre Israël, une guerre dont Israël sort vainqueur. Voilà l’ironie de l’histoire. Aujourd’hui, l’Autorité palestinienne choisit de passer par l’ONU pour essayer de faire avancer le processus de paix avec Israël. Or, il y a 65 ans, cette même ONU proposait une solution claire à la question palestinienne, une solution à laquelle les Palestiniens avaient claqué la porte.
La Palestine, de quoi on parle au juste?
Selon le droit international public, un État, pour en porter le nom, doit présenter les cinq caractéristiques suivantes : un espace territorial, une population, un système de gouvernement, une personnalité juridique internationale et une souveraineté. À l’heure actuelle, près de 40% du territoire de la «Palestine», soit la bande de Gaza, se trouve sous le contrôle du Hamas depuis 2007. L'Autorité palestinienne, qui prétend aujourd’hui représenter l’«État» de la Palestine, n’est même pas en mesure d’exercer sa souveraineté sur 40% du territoire qu’elle prétend contrôler. Alors, quand M. Abbas parle de l’émission du «certificat de naissance de la Palestine», de quoi parle-t-il au juste? De la Cisjordanie, de la bande de Gaza, ou des deux à la fois? Si M. Abbas prétend franchement vouloir en arriver à une paix durable avec Israël, qu’il commence au moins par condamner le gouvernement du Hamas, dont la Charte exprime une haine décomplexée envers l’existence même de l’État d’Israël : «Israel, by virtue of its being Jewish and of having a Jewish population, defies Islam and the Muslims. “Let the eyes of the cowards not fall asleep.”»[2].
L’ONU, pleine de bonne volonté, toujours aussi impuissante
Ce n’est pas la première fois que l’ONU joue à la Sainte-Mère pacificatrice sous le prétexte de faire avancer la paix dans le monde. Depuis sa fondation en 1945, l’ONU a toujours prétendu œuvrer au maintien de la paix dans le monde. Et pourtant, sommes-nous plus en paix qu’il y a 70 ans? Si le monde ne connaît plus de guerres à l'image de la Seconde Guerre mondiale (et je croise les doigts en espérant que nous n'aurons plus jamais ce genre de guerres), les conflits civils, interethniques, et régionaux foisonnent partout sur la planète. Et certains ont pris des dimensions incontrôlables. On n’a qu’à penser à la guerre civile en Syrie qui, malgré ses plusieurs dizaines de milliers de morts, ne s’est attirée que les «inquiétudes», les «condamnations», et les «préoccupations» de l’ONU. Paralysée par une bureaucratie tentaculaire et un Conseil de sécurité bloqué par le bon vouloir des cinq États membres permanents, l’ONU n’a pas changé depuis les 70 dernières années, si ce n’est de par l’augmentation du nombre de ses États membres. Elle demeure toujours aussi impuissante devant les massacres de populations humaines, tout comme elle l’a été devant le génocide rwandais de 1994, ou encore au Kosovo en 1998-1999. L’histoire démontre qu’en matière de résolution de conflits, la négociation entre les parties concernées demeure la première étape à franchir. Le passage vers les organisations internationales peut éventuellement servir à un processus de consolidation de la paix. Aujourd’hui, nous assistons à une situation inversée : l’Autorité palestinienne passe d’abord par l’ONU, avant la négociation franche et juste avec son voisin. Si l’ONU veut œuvrer au «maintien» de la paix dans le monde, il faut avant tout qu’une paix s’installe. Dans le cas du conflit israélo-palestinien, une paix doit d’abord être négociée entre les parties concernées, avant de prétendre être «maintenue» par l’ONU. En ce sens, la reconnaissance de l’Autorité palestinienne à titre d’État observateur de l’ONU n’est qu’un écran de fumée qui ne fait que ralentir la démarche vers une paix négociée avec son voisin Israël.
[1] Voir à ce sujet la carte officielle de l’ONU du plan de partage de la Palestine de 1947 : http://domino.un.org/maps/m0103_1b.gif [2] Voir la Charte du Hamas : http://www.thejerusalemfund.org/www.thejerusalemfund.org/carryover/documents/charter.html