Il suffirait de quelques mots, vous l'inconnue, moi l'inconnu, pour que soudain nous prenions
forme.
Le vent dirait « amour », la pluie dirait « misère », et déjà comme
un cœur battrait sous le soupçon,
et déjà comme un corps se mettrait en musique.
Sortis de notre énigme et prêts pour la naissance, grâce au verbe tout
nu, grâce à quelle syllabe ? nous ferions dans le monde une entrée de
bonheur,
et nous serions réels sans besoin d'exister,
et nous serions vivants sans besoin d'être en vie.
Oserait-on alors nous offenser, consonnes ?
Oserait-on alors nous effacer, voyelles ?
Nous serions tous les deux la chair communicable,
la chaleur conjuguée, la peau qui se récite.
Alain Bosquet