BD de l'année

Publié le 01 janvier 2013 par Egea

Il y a les bébés de l'année, évoquons les BD de l'année. Intéressantes, même si elles ne sont pas forcément enthousiasmantes ou captivantes.

Le serment des cinq lords est le dernier opus de Blake et Mortimer. Il est dessiné cette fois par Yves Sente et André Julliard. Dessin agréable, sans conteste, mais le scénario est légèrement déroutant. Avec de bonnes initiatives, et d'autres plus surprenantes.

En effet, l'action de passe en Angleterre, sans aucun voyage. De même, aucune atmosphère un peu mystérieuse : il s'agit en fait d'une enquête policière, bien menée d'ailleurs. Il est intéressant de mettre l'accent sur Blake plutôt que sur Mortimer, ce qui est heureux. Enfin, Olrik, l'infâme Olrik, n'apparaît à aucun moment, ce qui constitue une initiative intéressante. Mais du coup, à vouloir mener trop d’initiatives, il manque un peu des "codes" qui font le charme de Blake et Mortimer. C'est toute la question du "renouvellement" d'un genre. Disons que c'est le premier essai de cette nouvelle équipe, et que nous lui souhaitons d'ajuster le tir, old chap !

Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au stalag IIB est publié chez Casterman par Jacques Tardi. On connaissait l'auteur fantasmagorique d'Adèle Blanc-Sec, et surtout l'incroyable dessinateur de la première guerre mondiale, jusqu'à l'outrance.

Voici un document très intéressant, BD par la forme même s'il s'agit, en fait, d'autre chose qu'une BD : d'habitude, celles-ci racontent une histoire inventée et romancée. Pas de ça ici, mais la mise en image, certes scénarisée, des carnets de guerre de René Tardi, le père de l'auteur, qui a été prisonnier de guerre pendant cinq ans en Poméranie orientale. Cela entraîne une sobriété très forte qui exprime l'intense émotion d'un fils réussissant, enfin, à mettre des images sur un passé qu'il commence à digérer, d'autant que le père, lui, n'avait pas digéré cette captivité, étant sans cesse en butte aux remarques de son propre père, ancien des tranchées. Entre un ancien combattant "de la Grande Guerre" et un ancien combattant qui a combattu mais fut rapidement emporté dans la défaite de mai juin 1940, il y a une génération étouffée que ressent profondément le fils, et qui explique l'acuité de son rapport à la Première guerre mondiale.

Du coup, cette BD décrit cette vie dans les camps de prisonniers, vie rarement décrite car cédant toujours l'attention aux autres camps, ceux de la honte. Et pourtant, il ne faisait pas bon vivre dans les Stalags, lieux eux aussi d'arbitraire. On ressent la colère froide et humiliée du soldat qui est obligé de ronger son frein. Cinq ans à encaisser, et on devine (on le verra dans le deuxième tome) à endurer, au retour, l'accusation d'avoir été battu. Une sécheresse émouvante et assurément éclairante, à la fois sur ce point d'histoire et sur la trajectoire de Tardi, père et fils.

O. Kempf