En écrivant ces lignes, j'ai pensé au dernier jour de cette dernière année d'une trop longue séquence politique. L'effet de calendrier produit toujours un mélange de mélancolie et d'espoir.
L'année 2012 est terminée et c'est heureux. J'ai pu confier à Samuel Laurent, journaliste au Monde, ces réponses à la question de l'avenir des blogs politiques et notre situation personnelle.
L'exercice Sarkofrance s'est clos le 17 juin. Il était épuisant
mais simplissime. Le sujet était prédéfini, Nicolas Sarkozy.
Depuis le 6 mai, j'ai vécu trois périodes: le soulagement
euphorique, l'hésitation blogosphérique, le soutien critique. La
victoire de Hollande, puis de la gauche aux législatives était
riches d'inspirations. Observer les premiers pas, le changement
dans la forme, poursuivre la critique antisarkozyste puisqu'il y
avait encore un scrutin à gagner.
Après le 17 juin, la période a été plus compliquée: la difficulté
à trouver des sujets était réelle et naturelle: l'action
gouvernementale n'a véritablement commencé que fin aout, et la
relative retenue médiatique de Hollande et de ses ministres n'a
rien facilité. En 2007, Sarko nous avait déjà sorti les Ray-Bans,
le Fouquet's, le yacht, les vacances à Wolfeboro avec Rachida et
Cecicia en bikini. Là, presque rien. En plus, le Hollande-Bashing
est rapidement venu dans les grands médias... et sur le Net. La
polémique sur Valls et les Roms a beaucoup divisé.
On s'est
écharpé.
Le moindre billet positif sur Hollande a déclenché de jolies
salves contre nous, et surtout à gauche.
Mais les critiques contre Hollande étaient tellement rapides,
systématiques et violentes que l'équilibre s'est trouvé tout seul
vers la fin septembre: le soutien critique. On sait que la période
est et sera dure.
L'inspiration est et sera plus libre, je ne me suis jamais senti la
"vocation" de suivre quotidiennement Hollande comme je suivais
Sarkozy.
Je ne me sens même plus d'obligation d'écrire du tout.
Hollande nous a débarrassé de Sarkozy, ce qui, pour moi, était la
première urgence. Il n'avait pas d'alternative. Ensuite, Hollande
n'a pas trahi son programme. Il n'est très certainement pas le
gauchiste que certains ont voulu voir. Il a a été élu sur une
majorité composite et fragile (gauche, extrême gauche, centristes,
écologistes, etc) à un moment historique difficile et hystérique.
La propension que certains ont à extrapoler des slogans électoraux
en projet de loi qu'ils ne lisent même pas est hallucinante. Il y
a beaucoup de postures dans tout ça, des calculs pour demain ou
après-demain. Enfin, Hollande ne tient pas de discours clivants.
Il n'oppose pas les uns aux autres, à la différence de Sarko qui
nous découvrait des boucs-émissaires chaque mois. Le débat devrait
être plus serein.
Au sein des LeftBlogs, on s'est écharpé. Mais nous avons
l'habitude des disputes. Le groupe s'est créé juste avant le
Congrès de Reims et comprend beaucoup de non-socialistes. La
période a été difficile, avec pas mal de déchirure et de "portes
qui claquent". Mais on saura gérer la dissension. La famille se
dispute mais reste une famille.
La blogosphère politique est maintenant plus variée encore:
bien sûr, la droite et surtout l'extrême droite devraient s'y
mobiliser davantage. Provisoirement, et bizarrement, la droite
classique me paraît toujours atone. Elle a trois obstacles à
surmonter: primo, elle n'a pas le monopole de la critique, bien au
contraire. Mediapart est largement aussi violent contre Hollande
que le Figaro. Dans la blogosphère, c'est pareil. Secundo, la
droitosphère aura du mal à faire oublier qu'on sort d'une décennie
de droite. Je me fiche pas mal de connaître la position de ceux
qui nous ont conduit dans le mur.
Le Web est hystérique mais pas amnésique. Tertio, la droite
politique est encore très fragile, surtout après le feuilleton UMP
qui vient de clore son premier épisode.
Ensuite, il est devenu plus difficile de savoir qui sont les
blogueurs. Une cinquantaine de blogs politiques amateurs ont
quitté l'un des rares classements qui existaient, Ebuzzing. Ce
n'était pas un caprice. Mais le site nous mélangeait avec des
agrégateurs collectifs et des blogs d'hommes politiques
(Mélenchon, etc) ou d'éditorialistes.
Bref, un vrai foutoir.
Les relations avec l'Elysée ou le gouvernement sont
protéiformes et saccadées. Il y a toujours nos échanges avec
Romain Pigenel et Mehdi Yanis, des camarades du jeu
blogosphérique. Certains d'entre nous ont été invités à rencontrer
des ministres pour des séances de questions/réponses. Cette
fluidité est amusante. Cela permet de se faire préciser des
points. Mais ces échanges restent très rares.
Notre rôle, si nous devons en avoir un, est d'éclaircir le débat
politique, qui est devenu hystérique.
Le Web n'a pas de problème
d'espace à consacrer à l'analyse.
On peut et on doit prendre du
recul.