Magazine Conso
Une mystérieuse confrérie d’hommes se réunit tous les jeudis soir à 19h en changeant régulièrement de lieu de rencontre, sorte de club secret exclusivement masculin qui oscille entre les Alcooliques Anonymes et le Fight Club. Ils se retrouvent pour témoigner chacun à leur tour des misères de leur vie amoureuse sans que les individus présents ne débattent autour de leur histoire, cherchant à surmonter leur détresse en la partageant. S’en suit une série de témoignages consternants, ramassis de clichés sur les déboires sentimentaux centrés surtout sur les péripéties sexuelles des intervenants. Il y a entre autres l’impuissant, celui qui trouve son équilibre allant voir ailleurs, le libertin, le mari trompé qui ne décolère pas etc...
Vers la moitié du livre, l’auteur décide de se concentrer sur trois personnages en particulier qui tentent de dépasser leur marasme relationnel à travers diverses expériences peu concluantes. Philippe Saint Jean sociologue philosophe, sorte d’intello germanopratin à la BHL s’éprend d’un mannequin décérébré. Denis Benitez chef de rang dans une brasserie, devenu transparent aux yeux des femmes, est persuadé d’être la victime d’un complot de la gente féminine. Sombrant dans la dépression, il voit débarquer dans sa vie une mystérieuse squatteuse très obstinée. Yves Lehaleur, artisan poseur de fenêtre a un avenir tout tracé, pavillon de banlieue, enfants et chien. Jusqu’au moment où bobonne trompe son mari un soir d’ivresse avec un gogo dancer. Incapable de lui pardonner, il la quitte et choisit de ne plus approcher que des prostituées afin d’être libre de tout attachement. A travers la fréquentation assidue de vénus mercenaires, il cherche à découvrir "toutes les femmes". De là à dire que toutes les femmes sont des putes, il n’y a qu’un pas. Et c’est déjà très limite comme concept même si le personnage est un peu bas de plafond.
Tonino Benacquista nous sert une trame originale qui pourrait s’avérer intéressante s’il s’en tenait au sujet c'est-à-dire les relations sentimentales du point de vue des hommes. Malheureusement, la complaisance pour le sordide et les gauloiseries diverses - ne serait-ce que le titre qui bien sûr ne fait absolument pas référence à notre ancêtre à tous - n’aident pas à mettre en valeur son propos sur la complexité des rapports humains, l’éternelle insatisfaction engendrée par la proximité de l’autre.Le ton plein d’humour dont l’auteur est coutumier, très second degré, assez narquois envers ces hommes vraiment pas doués en amour, ne sauve pas le récit du naufrage.
Les personnages caricaturaux et le recours systématique à l’exagération ne véhiculent que des clichés éculés sur le couple et les relations homme/femme si bien que j'ai cédé rapidement à un sentiment d’ennui profond. Le romancier se perd dans le débroussaillage de pistes qu’il n’avait jusqu’alors pas explorées, entre dérives sentimentales, fantasmes inavouables et psychologie amoureuse. Quelques sursauts ponctuels génèrent cependant suffisamment de regain d’intérêt pour poursuivre la lecture jusqu’au bout. Tonino Benacquista est un grand auteur à la plume remarquable pleine d’esprit dont le sens du récit ne se dément pas même sur un roman aussi peu réussi et je ne saurais trop vous conseiller de lire ou de relire Saga, Les morsures de l’aube, Malavista, Trois carrés rouge sur fond noir, La maldonne des sleepings. Tonino, tu m’as déçue mais va, je ne t’en veux point !
Homo Erectus - Tonino Benacquista - Edition de poche Folio