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Detention est à première vue un merdier absolu, dont les 2 premières minutes peuvent suffire à couper court à toute envie. Un film monté à la manière d'un clip vidéo, criard et dégorgeant de couleurs où s'ajoute un tel surlignage d'informations à l'écran (panneaux, textes, SMS, listes) qu'on frise l'overdose à chaque plan. En s'accrochant un peu, on tombe en plein essai qui navigue entre les genres (teen-movie, slasher, science-fiction) avec une irrévérence et un second degré réjouissants, passée la mise en condition nécessaire pour apprécier la chose.
Le réalisateur, Joseph Kahn, clippeur de formation, est aussi le responsable de l'une des horreurs les plus marquantes de cette dernière décennie (Torque, tristement célèbre pour ses expérimentations hasardeuses), et n'a a priori rien pour attirer la sympathie. Pourtant, le film, qui trébuche à chaque fin de séquence, s'en tire à chaque fois in extremis avec une énergie du désespoir (et du montage) qui surprend et force le respect. Une force qui réside en partie dans son casting, dont les acteurs représentent un échantillon anthropologique de clichés ambulants à mesure que le film se dirige vers un Breakfast Club moderne et tapageur.
Et avec ça, plus de mauvais goût ?
Chemin faisant, le film fait petit à petit penser à un pot-pourri d'influences qui touche parfois au sublime dans ses dialogues impertinents, et dans son ambition drolatique de toujours partir en terre inconnue à l'aide d’apartés surréalistes hilarantes. Si l'on peut s'inquiéter de voir le réalisateur se prendre pour Roger Avary ou Richard Kelly (la référence s'impose d'elle-même en milieu de métrage), il parvient aussi à se distinguer en se faisant le portraitiste d'une génération d'horribles adolescents, tous aussi superficiels, trash et de mauvais goût que le film semble l'être lui-même.
Derrière la folie furieuse qui anime la chose, le réalisateur arrive à une captation extrêmement sensible de ses acteurs, dans le jonglage entre les plans tordus et les moyens techniques à disposition, pour en faire ressentir toute la richesse derrière le sarcasme premier. La séance épuise littéralement, occupés qu'on est à suivre l'expérimentation délirante, l’œil rivé sur l'écran pour ne manquer aucuns des concepts évoqués, des gags en arrière-plan ou des réactions comiques dignes d'un sitcom à la Community. Le film se rapproche d'ailleurs de la série de Dan Harmon par son commentaire quasi méta de sa propre situation de film bâtard, ultra-référencé, plein d'énergie et à l'optique clairement suicidaire.
En fin de pellicule, c'est une envie de hurler et de courir nu dans la rue qui nous étreint, au moins tout autant que celle de s'envoyer le film une seconde fois, pour en apprécier toute la délicate déviance. On en profite pour souligner que l'ingestion de substances illicites est vivement déconseillée avant la vision dudit film.
Sorti en avril dernier aux États-Unis, Detention s'est pris une volée de bois vert malgré quelques bons retours de festivals, avant d'arriver en direct-to-DVD en France. Impossible à marketer correctement (cf. son horrible affiche), le film s'en sort avec une bande-annonce du pauvre laissant deviner un teen-movie raté... il n'en est rien, mais si Josh Hutcherson de Hunger Games peut vous faire envie (a priori, c'est pas gagné), n'hésitez plus à vous embarquer dans le WTF de l'année.