J’ai eu le plaisir de retrouver dans ce recueil quelques-unes des lettres qui m’avaient plu dans le précédent. Et j’ai aimé y retrouver l’art avec lequel l’auteur décrit le travail poétique, sa manière d’ “agencer [s]es mots avec l’art du fleuriste”. Au cœur de ses préoccupations, on devine l’envie de mettre en mot la poésie elle-même, celle qui l’a poussé à prendre la plume. Que faire de la syntaxe, que faire du style, que faire des grands pontes de l’industrie littéraire? J’avoue qu’il faut parfois s’accrocher pour comprendre le sens littéral de ce qu’il nous dit: il n’est pas simple de mettre en mot la mise en mot! Difficile de justifier d’un art aussi peu armé pour lutter contre la littérature à la mode. J’ai tour particulièrement aimé cette formule: “Choisir un mot, l’aimer passionnément, retrouver son essence et le relier à d’autres; voilà mon travail, mon apothéose. Rien de plus, rien de moins – et rien d’autre”. Combien d’amoureux des mots se retrouvent dans ces définitions de l’écrivain et du poète…
Il se méfie également des “lignards”, à “l’ère industrielle de la phrase toute faite” capable de produire des romans au kilomètre, là où pour d’autres, “à la lampe du soir, bombardé de boules de pétanque, le cerveau se fait boulodrome jusqu’à s’endormir avec des mots et rêver de phrases”, lui qui évoque même son absence d’écriture, au bout de ses possibilités, là où d’autres ont tant de choses en “préparation” (malheureux mot). J’ai été émue de le voir écrire à Louis Delorme “je n’ai eu aucun lecteur”, une phrase teintée d’amertume. Mais ce qui m’a plus surprise, c’est d’y retrouver une lettre consacrée à la littérature électronique, au moment même où j’étrennais ma toute nouvelle liseuse (donc je vous parlerai bientôt): j’ai aimé la retenue dont il fait preuve sur un sujet qui divise mais qui fait beaucoup parler les statistiques.
Si l’on pourrait regretter un peu le langage unilatéral de certaines lettres (le titre “correspondances” ne comprend-il pas le “cum” latin du rapprochement?), il faut signaler que le poète n’hésite pas à partager réellement par lettre, notamment avec les gens qui participent, de près ou de loin, à son aventure poétique. Trois lettres sont ainsi adressées à Philippe Démeron, directeur de publication de la revue de poésie Les Citadelles, et certaines sont adressés à ses lecteurs-blogueurs… et oui, page 61, on y retrouve une lettre que Valence Rouzaud m’avait adressée à la suite de mon billet, qui a été publiée dans le numéro 17 de 2012 de la revue Les Citadelles (dont vous pouvez voir le sommaire ici) et dont je conserve précieusement l’originale manuscrite. Pas peu fière, la Mélu! Un petit extrait?
“ Il y a longtemps que j’ai tué en moi le fils de l’épicier, dans un environnement brutal, je vois la poésie comme un oreiller sur un rocher. Une forme champêtre ne nuit pas à un fond musclé, n’est-il pas vrai?!
Désormais votre ami – je l’espère –, encombrant ami pour certains peut-être?… Cela aussi je le sais”
La note de Mélu:
C’est bien la moindre des choses.
Un mot sur l’auteur: Valence Rouzaud est un poète français. D’autres de ses livres sur Ma Bouquinerie: