Il s’appelait Jules, il était réalisateur et faisait des films d’hommes. Il savait parler de la peur, de la violence qui les animes, des minorités avec sensibilité et intelligence, parce qu’il en était lui-même issu.
Il s’appelait Jules, il avait été dénoncé par un collègue à Hollywood et avait dû fuir l’Amérique et le Maccarthysme pour avoir adhéré au parti communiste. Il s’était réfugié d’abord en Angleterre où il a réalisé Les Forbans de la Nuit puis en France, où il a réalisé Du Rififi chez les Hommes.
Il s’appelait Jules. Il s’était laissé ensorceler par la dernière déesse vivante. Elle s’appelait Mélina, elle avait un tempérament de feu et elle était grecque.
Il s’appelait Jules, il portait un prénom de macho et pourtant il avait dédié le reste de sa carrière à l’amour de sa vie, notamment avec le phénoménal Jamais le Dimanche où elle chantait et dansait l’une des plus célèbres chansons de Manos Hadjidakis. Puis avec d’autres films comme Topkapi, La Promesse de l’Aube qui évoquait la jeunesse d’un autre russe, Romain Gary ou l’adaptation de Phèdre.
Il s’appelait Jules, un destin brillant s’annonçait à lui après avoir été l’assistant d’Alfred Hitchcock le temps d’un film et après la sortie de La Cité Sans Voiles, un portrait envoûté de New-York. Si sa carrière n’a pas toujours été à la hauteur de ce talent, sa vie l’a été, riche d’amour et de rebondissements, de luttes pour des idéaux, pour la liberté.
Il s’appelait Jules et il est mort quelques jours après l’acteur de l’un de ses plus beaux films, Richard Widmark dans Les Forbans de la Nuit. Un film noir et transpirant, un film désespéré sur la solitude, la pègre, les bas-fonds.
Il s’appelait Jules, c’était un vieux monsieur de 96 ans qui habitait Athènes. Il y vivait depuis quarante ans, il en était citoyen honorifique, il militait pour le retour des frises du Parthénon à Athènes.
Il s’appelait Jules Dassin.