La " languistique " au service de la chair

Publié le 31 mai 2007 par Croquemadame
La littérature érotique ne se cantonne pas à quelques noms méconnus. Des auteurs " grand public " tels que Christine Angot, Georges Perec, Guillaume Apollinaire ou encore Michel Rio se sont offerts la possibilité d'investir des territoires souvent censurés. Pour notre plus grand plaisir et surtout celui de nos sens, Franck Evrard, universitaire et écrivain, se propose dans son ouvrage De la fellation dans la littérature de faire le point sur le coït ab ore et ses conjugaisons romanesques.


Inspiration libidinale
" Quand elle fut bien rouge / la bite / l'a plongée en sa bouche / la belle", chante Louis Aragon dans Calendrier. Quelques allitérations en L plus tard, Michel Rio file la métaphore : "Ma bouche est un fruit rouge et ourlé, d'un dessin parfait, mes lèvres un bel oiseau de mer déployé se posant au sommet de la vague ". Devenu objet poétique, la "pipe" intrigue, amuse, inspire...
Logocentrisme phallique
" La scène de la fellation laisse entrevoir certaines petites choses comme la singularité absolue d'un paysage érotique, le mode de relation particulier à l'autre et au monde", ajoute Franck Evrard dans ses préliminaires. La fellation, loin d'être une thématique illégitime ponctue la littérature par petites touches signifiantes. Elle est à la fois acceptation d'une sexualité individuelle et étreinte altruiste.
Une rhétorique érotique au service de l'individualisme des moeurs de l'homme contemporain ? Finies les images pornographiques de soumission, le caractère vicieux n'est plus : le blow-job*, aujourd'hui, c'est avant tout " faire jouir " et non " jouir ", explique Jean Baudrillard.
Mort au phallocentrisme !
La dialectique du maître et de l'esclave prônée par les mouvements féministes a changé de point de vue ces dernières années. La fellation n'est plus exploitation mais libération. Nous sommes "origine du désir " et non plus " instrument " de celui-ci. " Ok, quand on les suce on est à genoux, mais on les tient par les couilles! ", lance Samantha dans la série Sex and the City.
Le plaisir de l'entrave reste pourtant intact et le lexique flatteur le démontre, notamment chez Calaferte : " Elle a avalé? (...) Elle aime drôlement ça. La salope ".
Lectures métasexuelles et pas nécessairement érotiques:

- Septentrion, Calaferte - Trois filles et leur mère, Pierre Louÿs
- Histoire d'amour, Régis Jauffret - Le Portrait d'un joueur, Philippe Sollers - L'Érotisme, Georges Bataille - C'est à dire, Christian Rullier
- Portnoy et son complexe, Philip Roth
- Désidéria, Alberto Moravia - L'homme assis dans le couloir, Marguerite Duras.

Par Elsa Pereira


© Magritte
* Blow-job: fellation in english
Franck Évrard, De la fellation dans la littérature
éd. Le Castor Astral
18 €