Aujourd'hui dimanche, nous fêtons la Sainte Famille. Il est assez ironique, je trouve, en ces temps de « mariage pour tous » de brandir la Sainte Famille comme modèle : une mère « vierge », un père pièce rapportée, clairement, même s’il était fiancé avec Marie (parce que bon, clairement, Dieu l’a un peu mis devant le fait accompli..), et un fils dont ils savent le destin particulier. On est quand même un peu loin de la famille Ricoré !
C’est une famille Sainte parce qu’elle est tout ce qu’il y a de plus banal : une mère, un père et un enfant. Une mère qui berce un enfant, un père qui lui apprend un métier, une famille qui se rend à la synagogue, au mariage à Cana etc…Cette famille est Sainte car elle a surtout ouvert son cœur. Ouvrir à l’inconnu, accepter qu’un enfant leur soit donné, accepter une présence Divine un peu plus envahissante que la normale (c’est le moins qu’on puisse dire !). C’est une famille déjà tournée vers Dieu, mais qui a dû accepter de sacrés challenges. Comme dans toutes les familles.
Car c’est au milieu de ce qui est l’unité humaine la plus simple, mais parfois la plus compliquée aussi, que Dieu s’est rendu présent. Dieu, par son fils, a grandi au sein de ce tissu de relations : il a probablement eu des oncles et tantes et l’on peut imaginer qu’il a connu les bonheurs et déceptions de toutes familles. Si ça se trouve Joseph avait du mal à boucler les fins de mois avec ses travaux de charpenterie, peut-être que Marie s’énervait après Jésus parce qu’il ne finissait pas son assiette de poisson, peut-être que l’oncle buvait et que son mariage battait de l’aile, peut-être que certains de ses copains de « on joue à chat ? » sont morts d’un sale virus, peut-être que le voisin battait sa femme et ses enfants etc…
On ne peut pas vraiment dire que ce sont les liens du sang qui fondent cette famille. Ce sont des liens, autres. Des liens que nous expérimentons tous, je l’espère. Des liens d’amour où chacun né probablement au sein d’une famille biologique, mais évolue aussi au gré des familles qu’il se constitue. Heureuses sont les familles tribus, bien entendu, le beau cliché « famille Ricoré » où tout le monde blond prend le petit dej sur la terrasse de la maison de famille. Mais nous n’avons pas tous cette chance –là. Ou nous avons aussi la chance de vivre dans des familles composées autrement : par le remariage, par l’adoption, sans compter les familles d’amis, les familles spirituelles, les familles « corporatistes » (celles des écoles, des entreprises).
Pour moi, ce qui compte et ce qui est saint dans ces familles, c’est plus la qualité de ce qui se vit que la manière dont elles se sont composées. J’imagine que nous sommes beaucoup à avoir expérimenté le fait de devoir inviter tata Gertrude à notre mariage (alors que clairement, Tata Gertrude elle nous pompe l’air, mais bon, c’est la famille et puis c’est chrétien d’aimer ceux que l’on n’aime pas alors…pffff), au lieu d’un super pote de notre fac.
Bref, faire « famille » et la conduire vers la sainteté, c’est peut-être à l’image du trio Marie-Joseph-Jésus, accepter l’autre dans sa singularité, le faire entrer dans son cercle proche et l’aimer sans mesure. C'est accepter aussi de laisser entrer le Christ dans cette famille-là et d’y voir ses bienfaits. C’est se créer un noyau dur capable d’accueillir la vie, dans tout ce qu’elle réserve, mais aussi, de pouvoir redonner, aimer sans mesure. Et j’espère vraiment, oui vraiment bâtir ce genre de famille.