Ah, chers Gras Houliens (adjectif dérivé du nom « houle »), chères Grasses Houliennes, Cher Jérome-Tout-Puissant 5 ans ça se fête, j’y reviendrai, citoyens, citoyennes, mitoyens, mitoyennes, doyens, doyennes, parrains, pas reines, marins, marraines… sentez la vague nous engloutir en cette énième fin de monde, humez l’air de l’apocalypse-fiction, tendez l’oreille aux catastrophiques houles qui se croient sirènes et ne sont que cirrhose. Si roses. Si noires.
De fin de monde il n’y eut, notre faim de monde n’est pas repue.
La crise, les mayas, le socialisme qui ne l’est plus, la droite qui est gauche, le chômage ( cette antienne perpétuelle, ce rocher de Sisyphe qui dévale plutôt qu’il n’ascensionne ), l’excès de religiosité ambiant… L’air grave est à la mode, le regard compatissant et distant se fait contagieux, les « Hé oui ma bonne dame, les temps sont durs » sont de vigueur dans les queue de ravitaillement devant les rares commerces encore ouverts.
Il y a encore dix ans les marchands de pierres tombales espéraient que « reviennent la peste et le choléra », depuis trente ans les amateurs de violence légale nous réclament le retour du tranchage de tête. La mort est un trafic aujourd’hui bien portant, on embauche chez les croque-mort.
« La mort, la mort, toujours recommencée, mourrons pour des idées, d’accord mais de mort lente… »
Les conditions sont requises, les chroniques de l’Atroce sont plagiées par les grands médias d’information, par pur esprit de con-tradiction.Faire l’apologie du sourire et de l’amour (écoutez les petits oiseaux chanter, à défaut de tutoyer les anges, tutoyons les mésanges) serait donc une nouvelle façon d’être atroce?
Un décor apocalyptique-tac-tic-tac…
Une froide ville de province, vidée par la Crise et les épidémies de peste, quelques affiches de propagande politique dansent en duel dans le vent froid d’un hiver qui commence en septembre et s’éteint en mai.
Quelques humains ici et là, l’oeil vide, le regard hagard, le coeur à qui on a coupé le jus pour défaut de paiement, les ventres gargouillent façon gothique, les nez coulent et reniflent afin de n’en perdre une goutte.
Heureusement la télévision fonctionne encore et joue son rôle de muezzin universel, porteuse d’espoir (les soldes commenceront-elles plus tôt cette année?) et de solidarité (« Bonjour cher voisin, Arévatfairefoutre nous a coupé l’électricité, on peut venir regarder les infos chez vous? -Pas de problème, entrez, j’ai craint un moment que vous ne me demandiez du sel ! » ).
Des démarches zombiennes, des miasmes naissants, l’apocalypse n’est pas cette grande fête qu’on nous vantait. Où sont les flammes de l’enfer? Les feux d’artifice mortuaires? Les paillettes et le strass d’une mort haute en couleur?
« Sourire pour des idées »
Quelle idée a donc pris ces jeunes amoureux d’envahir les rues, vêtus d’habits colorés et fardés de sourires 100% naturels ?
Et après leurs familles viennent se plaindre et réclamer la pièce pour pouvoir les enterrer dignement! Quel sans-gêne!
Le drame aurait pu être évité si une fois de plus nos dirigeants (enfin…. l’emploi de l’adjectif possessif »nos » est ici abusif, ils seraient à nous qu’on serait moins politiquement frustrés) avaient su anticiper en promulguant une loi interdisant les débordements de joie.
En ces temps finaux le sourire est d’une provocation extrême.
Moi même je me suis surpris à la déviance. Hier, alors que j’allais faire mes courses à pied, regardant soigneusement mes pieds afin de ne point offenser autrui d’un regard, je vis, là sur le trottoir, imposante, majestueuse, rigolarde, une déjection canine formant trois lettres : LOL. Je n’ai pu empêcher un sourire devant cette leçon de philosophie animale.
Mal m’en avait pris, un couple accompagné de sa progéniture surprit le plissement positif de mes lèvres.
D’une main protectrice le père cacha les yeux du fils, d’une voix apaisante la mère récita une berceuse au saint-esprit. Arrivés à mon niveau ils tournèrent la tête, sauf l’honnête et courageux chef de famille qui, d’une voix sure et bienveillante, m’apostropha : « Monsieur, ce ne sont pas là des manières! Vos sourires sont des insultes! Si les forces de l’ordre étaient aussi fortes et ordonnées qu’on veut bien le dire je vous dénoncerai, mais c’est Noël, passez votre chemin et cessez vos outrages ».
La mode est aux condoléances, le sourire n’est plus qu’une chose « niaise » ou « provocatrice ».
C’est pour ça que les chroniques de l’Atroce (toujours à l’avant-garde de la bêtise et du terrorisme) vous souhaitent une année souriante, béate, une année fleur-bleue, une année mimi, de longes heures à pratiquer la plénitude et la volupté…Faites péter le choupi! Souriez même si vous êtes filmés. Et soyez donc un peu plus amoureux. Voilà bien tout le mal que l’on vous souhaite.
© Cyril Delacour «Portrait d’enfant, 1998.»
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