Point Godwin : le mariage gay et les nazis

Par Mbertrand @MIKL_Bertrand

Ce point Godwin s'est fait attendre ! Au regard du temps médiatique consacré à l'ouverture du mariage civil pour tous et de la quantité d'informations échangées sur les réseaux sociaux à ce sujet, cette dérive traditionnelle visant à rapprocher un sujet à l'idéologie nazie et/ou stalinienne est finalement plutôt tardive.

Le point Godwin a été atteint par le père René-Philippe RAKOTO, curé de la communauté des paroisses catholiques de Vendenheim, Mundolsheim, Eckwersheim et Lampertheim (Nord de Strasbourg). Dans son bulletin paroissial daté "Automne 2012" (qui a depuis disparu du site de la communauté), il signe un éditorial pour le moins surprenant dont voici quelques extraits :

"... Euthanasie, eugénisme, stérilisation forcée des handicapés, manipulations génétiques et expérimentation sur l'humain, avortement jusqu'à 6 mois de grossesse... On pourrait croire, en examinant la litanie, que ces choses sont contemporaines, choisies par un pays dit "avancé sur son temps et son époque, à la pointe de la modernité". Eh bien, cela se passait il y a plus de 70 ans en Allemagne sous le régime nazi (démocratiquement élu !) A l'époque, l'Allemagne n'en faisait pas trop la publicité car les mentalités étaient encore marquées par la morale judéo-chrétienne qui considérait cela comme immoral, injuste et surtout inhumain. Au nom de la dignité de l'homme, ces lois et pratiques allemandes étaient jugées comme abominables et dangereuses pour l'humanité, et pour cause, nous avons vu les dégâts qu'elles ont engendrés pour l'Allemagne et une bonne partie de l'Europe".

"Les seules choses qui pourraient manquer pour être "parfaitement moderne et en phase avec la société" seraient le mariage des personnes de même sexe et la possibilité pour ces mêmes personnes d'adopter des enfants".

"L'Église catholique aujourd'hui se retrouve dans la position de ceux qui peuvent être dénigrés et persécutés pour prétendre défendre la dignité de l'homme dans on intégralité et sans exception, comme au temps des nazis et des soviétiques".

Cette manifestation du point Godwin peut être considérée comme un modèle du genre.

Le propos ne sert qu'une cause : disqualifier les positions de son adversaire en les rapprochant des pires atrocités commises par les régimes nazis et soviétiques, quitte à travestir l'Histoire.

Sans que le lien ne soit vraiment expliqué, l'auteur entend nous faire comprendre que l'ouverture du mariage et l'adoption accordée aux personnes de même sexe peuvent être comparées à l'euthanaise, l'eugénisme, la stérilisation forcée des handicapés... Ces pratiques ayant été mises en oeuvre par les nazis, ceux qui voudraient aujourd'hui marier des homosexuels doivent donc être considérés comme tels !

Ce curé a visiblement l'habitude de prêcher auprès de convaincus, mais il serait bon de lui rappeler néanmoins quelques bases :

1. Le "régime nazi" n'a pas été "démocratiquement élu". Les Allemands ont accordé leurs suffrages à des représentants appartenant à un parti, mais c'est un non-sens que d'affirmer qu'un régime politique puisse être élu.

2. Il est indécent de lire sous la plume d'un ecclésiastique que l'Église catholique serait aujourd'hui "dans la position de ceux qui peuvent être dénigrés et persécutés".

L'une des raisons qui explique le caractère tardif et exceptionnel de ce point Godwin repose justement sur son impossibilité théorique en raison de la persécution des homosexuels par les nazis. Depuis  la polémique autour des propos de Christian Vanneste en début d'année 2012, la plupart des médias ont rappelé la nature et la mesure de cet aspect dramatique de la politique d'Hitler. Par conséquent, il devenait difficile d'établir un lien entre le mariage des homosexuels et le nazisme... sauf pour ce curé qui ne se contente d'ailleurs pas de formuler un point Godwin mais qui se positionne au passage en véritable victime des homosexuels ! 

Une belle démonstration donc de la force et de la validité de cette théorie mémorielle qui s'impose même dans les circonstances que l'on pourrait croire les plus improbables.