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Pour une évaluation de l'inflation mémorielle à l'école

Par Mbertrand @MIKL_Bertrand

 

Le 12 décembre 2012,  une note de service a été adressée aux rectrices et recteurs d’académie, ainsi qu'aux directrices et directeurs académiques des services de l’éducation nationale afin de désigner des référents académiques "Mémoire et Citoyenneté".

Cette création intervient dans le cadre de la préparation des commémorations des deux guerres mondiales pour lesquelles une mission interministérielle a été mise en place, ainsi que des comités académiques regroupant l'ensemble des partenaires susceptibles d'être impliqués dans ces manifestations à prévoir : Office national des anciens combattants et victimes de guerre, associations mémorielles, trinômes académiques, collectivités territoriales...

Selon cette note d'information, des représentants des équipes éducatives doivent rejoindre ces comités académiques car "l'école a un rôle essentiel à jouer dans la transmission de la mémoire auprès des enfants et des jeunes".

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La présence des enfants et adolescents lors des commémorations est souvent organisée dans le cadre de projets pédagogiques

L'intérêt principal de ce document repose sur les missions confiées à ce référent "Mémoire et Citoyenneté" car elles permettent de définir le rôle officiel de l'école dans la transmission de la mémoire, ce qui n'avait jamais été clairement identifié auparavant :

- Le référent sera amené à suivre avec une attention particulière la préparation du centenaire de la Première Guerre mondiale (2014-2018) et le soixante-dixième anniversaire des combats de la Résistance, des débarquements, de la Libération et de la victoire (2013-2015) dans l'optique d'une large participation de la communauté éducative.

- Les concours scolaires ;

. le concours national de la Résistance et de la déportation (collèges et lycées) ;

. le concours des petits artistes de la mémoire (écoles).

- Les journées de commémoration (écoles, collèges et lycées) :

. la commémoration de l'armistice de 1918, journée des morts pour la France : le 11 novembre ;

. la journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l'humanité : le 27 janvier ;

. la commémoration de la victoire de 1945 : le 8 mai ;

. la journée nationale de la mémoire de la traite négrière, de l'esclavage et de leur abolition : le 10 mai.

- Les projets soumis à la commission bilatérale de coopération pédagogique (soutien du ministère de la défense aux projets pédagogiques mis en œuvre dans les établissements scolaires dans le domaine de l'histoire et de la mémoire des conflits contemporains - écoles, collèges et lycées).

- Les actions éducatives dans le domaine de la mémoire menées par les institutions et associations ayant un partenariat conventionné avec l'éducation nationale : l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, les fondations mémorielles, le Mémorial de la Shoah, certains musées nationaux, etc.

En somme, cet homme-mémoire est surtout créé afin d'assurer le succès des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale en favorisant une large participation des élèves.

Puis ce sont ajoutées d'autres missions révélatrices de l'omniprésence du fait mémoriel à l'école :  coordonner l'organisation des traditionnels et pléthoriques concours mémoriels et organiser les relations avec les institutions et associations mémorielles qui pénètrent de plus en plus dans les salles de classes en proposant des ateliers, des voyages scolaires, des rencontres, des débats, des projections de films...

Hélas, contrairement à nos attentes, le ministère de l'Education nationale n'a pas profité de cette occasion pour définir plus précisément la place que doit occuper la mémoire dans l'enseignement scolaire.

Aujourd'hui, beaucoup de professeurs d'histoire ont pris pour habitude de diffuser des films à forte connotation mémorielle dans le cadre de leur enseignement (La liste de Schindler, Le pianiste...). Ils organisent également beaucoup de sorties scolaires liées à des thématiques mémorielles car elles permettent d'obtenir les meilleures subventions (au camp du Struthof, d'Auschwitz, au Mémorial Charles de Gaulle, au Mémorial de la Shoah...) . Enfin, les programmes scolaires sont de plus en plus influencés par les revendications mémorielles : l'étude de l'esclavage et des traites négrières a été introduite après la loi Taubira et le génocide arménien a fait son apparition dans les nouveaux programmes de troisième depuis la rentrée 2012 à la suite des débats sur sa reconnaissance à l'Assemblée nationale française.

Cette inflation mémorielle n'a jamais été suivie d'une véritable réflexion sur la place de la mémoire à l'école et sur le rôle de l'école dans la compréhension du phénomène mémoriel.

Seuls quelques élèves de terminale L et ES étudient depuis la rentrée 2012 un chapitre lié aux mémoires de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre d'Algérie. Il conviendrait d'étendre cet enseignement sous une forme adaptée aux élèves de collège.

De même, une étude devrait être menée sous l'autorité du ministère de l'Education nationale afin d'évaluer quantitativement et qualitativement la place des mémoires à l'école et réfléchir à leur juste intégration dans le cadre des missions culturelles, intellectuelles et citoyennes dévolues à l'enseignement.

Pour l'instant, l'annonce de ces référents "Mémoire et Citoyenneté" ne donne l'impression que d'une nouvelle entrée en force des préoccupations mémorielles dans les salles de classe, souvent au détriment d'une véritable compréhension du passé par l'intermédiaire de la science historique. 


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