Southwest Airlines serait-elle au taquet ?
Il est indispensable d’en revenir réguličrement aux fondamentaux. Ainsi, dčs qu’il est question de compagnies low cost, discount, ŕ rabais, ŕ bas prix, c’est selon, c’est du côté de Southwest Airlines qu’il convient de regarder, c’est-ŕ-dire du côté de Love Field. C’est l’ancien aéroport de Dallas, détrôné de longue date par celui de Dallas Fort Worth, dont le nom, ŕ lui seul, évoque la saga du transport aérien américain en męme temps qu’il correspond au canal historique des bas tarifs. C’est lŕ, en effet, que Southwest a vu le jour en 1971 et qui, ŕ elle seule, a changé le monde. Ou presque.
Or, que se passe-t-il aujourd’hui ŕ Love Field ? Les nouvelles, malgré les apparences, n’y sont pas trčs bonnes. Non pas que le marché américain soit saturé (il est, disent les économistes, arrivé ŕ maturité) mais plutôt en raison des remarquables efforts d’efficacité déployés par les compagnies dites traditionnelles. En clair, les coűts directs d’exploitation des Ťmajorsť tendent ŕ se rapprocher, voire ŕ égaler, ceux de Southwest, JetBlue et quelques autres francs-tireurs. Lesquels éprouvent les pires difficultés ŕ encore faire mieux.
Certes, il n’y a pas péril en la demeure. Southwest reste, et de loin, la premičre compagnie intérieure américaine, forte de plus de 100 millions de passagers par an, elle est bénéficiaire, quels que soient les aléas de la conjoncture et les caprices de l’OPEP, mais sa rentabilité est pour le moins médiocre. La marge dégagée au terme du troisičme trimestre de cette année correspond exactement … ŕ 50 cents par passager. Dans ces conditions, le moindre détail, la plus minuscule des économies, peut avoir des conséquences considérables.
L’œuf de Colomb, Southwest l’a découvert : ignorant superbement que les Américains souffrent chroniquement d’une tendance croissante ŕ la surcharge pondérale, elle a décidé de serrer un peu plus les rangées de sičges. Sans investissements nouveaux, sans modifier sa flotte ou acheter des avions supplémentaires, Southwest va ainsi accroître son offre, produire davantage de sičges/kilomčtres, cela en restant dans des limites raisonnables, quasiment insoupçonnables : 143 sičges au lieu de 137 ŕ bord de ses Boeing 737-700. Ces derniers constituent l’ossature de sa flotte, 424 exemplaires pour un parc de 692 avions (y compris ceux d’AirTran, en passe d’ętre absorbée).
C’est ŕ peine une rangée de plus. Mais quand la demande est forte, sur certains axes, ŕ certaines heures, il sera ainsi possible d’améliorer la recette. Laquelle atteint en moyenne 146 dollars par coupon de vol, repčre qui permet de noter au passage que les grilles tarifaires de Ryanair et EasyJet sont nettement moins élevées. Les élčves ont dépassé le maître.
Cette densification des cabines met aussi en évidence la fragilité économique du modčle low cost et les grandes exigences d’une gestion attentive. D’autant que les horaires sont calculés au plus juste, de maničre ŕ faire voler les avions une douzaine d’heures par jour. Ce qui n’est pas une tâche aisée pour les lignes qui desservent de grands aéroports trčs encombrés.
Qu’en s’entende bien : Southwest n’est pas essoufflée mais doit admettre que ses concurrents ont fait des progrčs considérables en matičre de productivité, d’efficacité. Ce qui encourage les observateurs qui prévoient l’inéluctable interpénétration puis la fusion des deux modčles économiques. Une éventualité qui est pourtant bien loin d’ętre acquise.
Pierre Sparaco - AeroMorning