Mimétisme, propriété que possèdent certaines espèces animales, pour assurer leur protection défensive ou offensive, de se rendre semblables par l’apparence au milieu environnant, telle est la définition donnée par le Grand Robert. On pense alors immédiatement au caméléon. Pourtant, ce n’est pas à cette définition que je pensais en entamant ce billet mais plutôt à la seconde donnée par l’illustre dictionnaire, processus d’imitation, ressemblance produite par imitation.
Vous l’avez certainement remarqué, les chiens et leur maîtres ont souvent des attitudes communes, la démarche de l’un s’adapte à celle de l’autre, l’aspect pomponné de la bête semble piqué à celui de sa propriétaire, bref l’homme et l’animal entrent en symbiose, ce qui ne manque pas de faire rire l’observateur attentif.
Je voudrais évoquer aujourd’hui un autre cas de figure que je connais bien. Trop bien même. Je l’ai vu venir lentement, mais comme on dit, sûrement. Je suis marqué par le mimétisme familial. A vie, allais-je écrire rapidement, mais de plus en plus marqué à mesure qu’elle rétrécit, pour être plus précis.
Les premiers indices remontent à quelques années déjà. Un jour j’ai constaté que je reproduisais une mimique faciale de ma mère. Un truc qui fait jouer les joues et la bouche, en émettant un bruit humide de salive. Je ne le fais que lorsque je suis seul – je crois – et de temps en temps seulement, ça ne porte pas à conséquence et ça m’a longtemps amusé. Sauf, que depuis, j’ai décelé d’autres traces plus troublantes et par effet d’accumulation, franchement agaçantes.
Par exemple, je ressemble à mon père. Dis comme ça, tout paraît évident, mais attendez la suite. Depuis que je ne bosse plus, je reste plus souvent chez moi et j’ai plus de temps pour m’observer. En me regardant dans la glace il y a peu, j’ai cru voir papa ! Je m’habille comme lui, je n’en revenais pas, j’ai pensé avoir la berlue. Pantalon de survêtement avachi au cul lustré et un sweatshirt Damart un peu fatigué, dans les mêmes couleurs en plus. Comment était-ce possible ? Je ne l’avais pas fait exprès, je ne l’avais pas copié consciemment. Est-ce ce qu’on appelle le hasard ? Toujours est-il que ça m’a foutu les boules. Comme j’ai aussi tendance à me tasser, je rapetisse, et je ne me donne pas longtemps pour le rattraper au ras du sol.
L’addition est déjà bien salée, mais ce n’est hélas pas tout. Ma mère, mon père, le mimétisme issu des géniteurs est finalement assez logique, génétique pourrait-on dire. Mais, où cela se complexifie c’est que je le pousse jusqu’à devenir l’ombre de ma femme, ce qui ressemble furieusement au cas du chien et de l’homme dont je parlais plus haut – sans associer le clebs et ma douce pour autant, je ne suis pas le malotru que vous pourriez imaginer.
Lentement mais sûrement ma personnalité se délite et ma lady s’empare de mon être, dès que nous sommes ensembles je me sens devenir un autre. Je m’aligne sur son rythme de vie, ses habitudes ménagères, ses goûts. Mon moi se met en veilleuse, j’endosse mon costume de compagnon fidèle et je règle mon pas sur le sien.
Peut-être est-ce ainsi pour tous les couples, l’un des deux devient l’autre, deux ne font plus qu’un et ce « un » est le couple qui dure. La transsubstantiation. Peut-être que vous êtes dans ce cas mais que vous ne vous en apercevez pas car vous vivez avec votre partenaire en permanence. Mais moi et ma douce, vivons séparément, alors quand je retourne vivre chez moi, c’est un peu comme si je remontais des profondeurs marines pour aller m’étendre sur la plage. Deux mondes complètement distincts, deux vies absolument différentes.
N’allez pas dire à ma femme que j’ai une double vie, elle croît que je suis pianiste de jazz dans un bordel.