Un procès qui a retenu l’attention autant du public que du monde judiciaire est bien celui de l’ex juge Delisle qui fut reconnu coupable le 12 juin 2012 du meurtre de son épouse et d’avoir aussi tenté de camoufler le tout par un suicide.
Quelques temps après que le verdict soit rendu par les 12 jury, l’avocat représentant l’ex juge interjecta appel de la décision rendue et demandait la libération de son client jusqu’à ce que l’appel de ce dernier soit entendu.
Hors l’honorable juge Wagner de la Cour d’Appel du Québec ne l’entendit pas ainsi lorsque le 6 juillet 2012 soit à peine 2 jours après avoir entendu l’avocat de son ex confrère plaider refusa de remettre en liberté Jacques Delisle.
Parions qu’en 2013 l’appel de l’ex juge fera largement parti de l’actualité et je gagerais bien un vieux 2 $ que si la Cour D’Appel refuse d’ordonner un nouveau procès qu’il y a de fortes chances que l’ex juge et le juge Wagner soient encore en confrontation devant la Cour Suprême du Canada alors que, rappelons le, le juge Richard Wagner fut nommé juge à la Cour Suprême par la suite.
Revenons sur quelques point du jugement Wagner
[1] Le 14 juin 2012, à la suite d’un procès devant juge et jury, l’appelant a été reconnu coupable de l’infraction suivante :
Le ou vers le 12 novembre 2009, à Québec, district de Québec, a causé la mort de Marie-Nicole Rainville, commettant ainsi un meurtre au premier degré, l’acte criminel prévu à l’article 235 du Code criminel.
[2] L’appelant a interjeté appel du verdict de culpabilité pour des motifs de droit et présente maintenant sa requête pour mise en liberté en attendant la décision de son appel.
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[5] Les circonstances de cette affaire ne sont pas banales.
[6] Les théories des parties sur les circonstances du décès de madame Rainville, telles que présentées aux membres du jury, sont aux antipodes l’une de l’autre.
[7] Le ministère public soutient que l’appelant, las de s’occuper de sa conjointe victime d’un AVC en 2007 et impliqué dans une relation extraconjugale sérieuse, l’a assassinée en lui tirant une balle dans la tête, avant de maquiller la scène du crime pour faire croire à un suicide. Mais voilà que, probablement dans le cadre d’une manœuvre défensive, la victime, qui était en partie paralysée du côté droit, a touché le canon de l’arme lors du tir, ce qui a laissé des marques de poudre et de brûlure sur la paume de sa main gauche. Partant, cela expliquerait, selon le ministère public, l’acharnement de la défense à établir un scénario balistique selon lequel l’arme à feu aurait été manipulée à l’envers et de manière non conventionnelle.
[8] Pour sa part, l’appelant soutient avoir toujours admirablement pris soin de sa conjointe. Celle-ci, qui était devenue dépressive et suicidaire, surtout après une chute accidentelle en 2009, aurait simplement profité de son absence momentanée, la journée du drame, pour saisir l’arme de l’appelant, l’armer et se tirer une balle dans la tête en l’utilisant d’une manière non conventionnelle. Cela expliquerait les traces de brûlure sur la paume de sa main gauche. Invoquant les réactions imprévisibles d’une personne qui s’apprête à s’enlever la vie, l’avocat de l’appelant souligne qu’il est inutile de s’interroger sur les raisons pour lesquelles la victime n’a pas utilisé l’arme de façon conventionnelle .
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[11] Une preuve de mobile fondée sur une liaison extraconjugale entretenue par l’appelant et sur l’impact financier d’un divorce sur son patrimoine complétait pour l’essentiel la preuve circonstancielle du ministère public.
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[17] Selon la preuve, l’appelant, qui est maintenant âgé de 77 ans, est juriste de formation et a consacré l’essentiel de sa vie professionnelle à la pratique du droit. Il a occupé d’importantes fonctions à la magistrature, n’a aucuns antécédents judiciaires, bénéficie du respect de ses pairs et réside, avec plusieurs membres de sa famille, dans la ville de Québec depuis plus de 20 ans. Finalement, il était en liberté pendant toutes les procédures en première instance et il a respecté scrupuleusement toutes et chacune des conditions de l’ordonnance de mise en liberté auxquelles il était soumis.
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[20] La décision de remettre en liberté l’appelant, une fois que ce dernier a été reconnu coupable par ses pairs, n’est pas le fruit d’un exercice capricieux ou arbitraire. Le juge saisi d’une telle requête doit résister aux appels à la passion et à d’autres considérations du même type qui relèvent plus du préjugé que de la raison. Ils n’ont pas le mérite et le sérieux de conclusions rationnelles tirées d’une juste évaluation des moyens d’appel par rapport à la gravité du crime, des circonstances et de l’impact de la mise en liberté dans l’esprit d’un public par ailleurs bien informé.
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[22] Quand je souligne que l’exercice n’est pas arbitraire, je n’écarte pas, évidemment, le caractère discrétionnaire de la décision. Elle doit, cependant, découler d’un exercice judiciaire pondéré et fondé sur des valeurs reconnues et partagées par l’ensemble de la population.
[23] Ainsi, il est loisible de soutenir que plus les moyens d’appel sont sérieux et susceptibles d’entraîner la révision du verdict déjà rendu, plus le juge penchera en faveur de la mise en liberté puisque la confiance du public ne sera pas ébranlée. Par contre, même si les moyens d’appel ne sont pas futiles, mais qu’ils n’entraînent pas pour autant de très sérieuses chances de réformation en appel, le juge doit alors soupeser l’opportunité de remettre l’appelant en liberté sous l’angle du caractère plus définitif du verdict de culpabilité, de la force exécutoire des jugements et de l’intérêt public.
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[26] L’appelant soutient que sa détention n’est pas nécessaire dans l’intérêt public.
[27] La confiance du public envers l’administration de la justice sera-t-elle ébranlée si l’appelant est remis en liberté?
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[32] Dans un premier temps, il faut reconnaître que la situation de l’appelant est maintenant bien différente de celle qui prévalait avant le verdict. En effet, ce dernier pouvait alors bénéficier de la présomption d’innocence, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Partant, un public bien informé comprendra facilement, en raison de la présomption d’innocence, que la mise en liberté d’un accusé avant son procès constitue presque la règle lorsque les circonstances le permettent; elle devient toutefois l’exception une fois le verdict de culpabilité prononcé.
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[44] Ici, la preuve du ministère public repose essentiellement mais non exclusivement sur les constats de certains experts en balistique ainsi que sur l’opinion du pathologiste. Les experts du ministère public sont unanimes : il était physiquement impossible pour la victime de manipuler l’arme à feu pour se suicider en raison de la preuve physique qu’ils ont identifiée.
[45] Partant, en application de la théorie de l’opportunité exclusive, seul l’appelant pouvait assassiner sa conjointe, compte tenu du rôle qu’il s’est lui-même réservé dans les circonstances entourant le décès et en raison de la preuve de mobile que le ministère a étalée devant le jury. L’attitude et les verbalisations de l’appelant dans les minutes qui ont suivi son appel à l’aide complétaient la preuve à charge.
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[51] L’appelant insiste sur le caractère très particulier de la preuve en cause puisque non seulement il clamait son innocence, mais il soutenait surtout, expertise à l’appui, que sa conjointe s’était suicidée en utilisant de sa main gauche l’arme à feu qu’elle avait préalablement chargée et manipulée à l’envers, ce qui expliquait les traces de fumée et de brûlure sur la paume de sa main.
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[53] Ainsi, l’avocat de l’appelant s’est employé devant moi à décortiquer avec vigueur et minutie la preuve du ministère public déposée en première instance pour démontrer les nombreuses incongruités et faiblesses qui auraient dû, selon lui, amener un jury bien renseigné à acquitter l’appelant.
[54] Les arguments de ce dernier s’articulent autour de la proposition selon laquelle les membres du jury devaient adhérer en premier lieu à la thèse du ministère public sur la preuve balistique puisque, en vertu de la directive tirée de l’arrêt MacKenzie9, le juge d’instance leur avait souligné qu’ils devaient être convaincus hors de tout doute raisonnable de la théorie balistique avancée par le ministère public, soit la thèse de l’homicide, avant de conclure à la culpabilité de l’appelant.
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[65] Il appartiendra à une formation de cette Cour de se prononcer sur la valeur des moyens soulevés, mais dans le cadre de la décision sur remise en liberté, et même si certains moyens d’appel sont sérieux, ils ne permettent pas l’élargissement de l’appelant pendant son pourvoi. Ici, l’appelant a été reconnu coupable par douze personnes, impartiales et indépendantes, d’avoir commis l’un des crimes les plus sérieux sanctionnés par le Code criminel. Il s’agit d’un meurtre prémédité d’une violence évidente sur une personne vulnérable. L’appelant devait établir l’existence de très sérieux moyens d’appel pour justifier, à la lumière de toutes les circonstances de cette affaire, sa remise en liberté. Cette démonstration n’a pas été faite.
[66] Je suis d’avis que même si l’appelant satisfait aux deux premières conditions du paragr. 679(3) C.cr., il a failli à son fardeau d’établir que sa détention n’est pas nécessaire dans l’intérêt public. Ce dernier commande qu’il demeure en détention pendant l’appel. Ce public, par ailleurs bien informé sur le processus judiciaire et les circonstances de la présente affaire, risquerait de perdre confiance envers le système de justice pénale et criminelle si j’acquiesçais à la demande de l’appelant.
Pour lire le rejet de la requête : Cliquer ici