Maarya me parle de ses rêves. Elle me raconte qu’elle y voit de temps à autre le Créateur et qu’ils discutent de choses. Maarya m’explique que pour le voir, il suffit de prier très fort, de penser à lui très fort. Elle me dit qu’il est parfois comme une grosse boule de lumière et parfois comme un grand monsieur avec une belle barbe. Elle me dit aussi que tout le monde peut le voir. Il faut vouloir seulement. Vouloir plus que tout. Avec son cœur. Maarya croit au pouvoir de l’amour. Il faut que tu l’aimes Papa et tu le verras alors. Tu dois fermer tes yeux et penser à lui très fort. Mais ne lui poses pas de questions. Tu peux, cependant, lui demander de garder toute la famille en bonne santé, Nani, Maman, Papa, Badi, Soufyaan, tout le monde ! Il te dira parfois des secrets qu’il ne faudra pas révéler à qui que ce soit. Il m’a dit un secret à propos de toi mais je ne peux pas t’en parler. Allez dis-moi s’il te plait. Je peux pas Papa ! J’aime écouter Maarya. Dans ses yeux pétillent la vie et tous ses paradis. Maarya est un miracle. Comme tous les enfants. Un miracle qui me dépouille de mes futilités. Un miracle qui me revoie au dénuement. Un miracle qui ne cesse de nouvelles genèses. J’y puise ma raison d’être. Parfois je me demande si je mérite ce miracle. Il est parfois trop de beauté, trop de lumière. Il est parfois un instant, empli de joie, qui se déploie à l’infini. Il est parfois le souffle du divin qui parcourt la moindre absence. Et je ne sais qu’en faire. Pleurer peut-être. Ou crier. Miracle de la beauté. Si fragile. Ainsi on sait parfois la grâce inscrite dans le moindre fragment. On sait parfois ce qui se cache au-delà du paraître. On parle à son enfant. A son fils ou à sa fille. Soufyaan et Maarya. Et on sait la plénitude. Ou la béatitude. Mais les mots importent peu. Tout à l’heure la vie reprendra son cours. Tout à l’heure on se glissera une fois de plus dans sa peau de mortel. Tout à l’heure nos fictions nous achèveront. Mais on sait que là-bas dans les yeux de Maarya, de Soufyaan, de son enfant, gît un miracle. Un miracle qui orne de sens le précaire.
Ne vivent sans doute véritablement que ceux qui savent les rêves des enfants.
Umar Timol.