Le cardinal Vingt-Trois est-il inaudible ?

Tribune libre de Jean Dùma 

A force de vouloir essayer d’être malin, subtil et de haute volée, Mgr Vingt-Trois finit par être inaudible (RTL, le 23/12, qu’il faut écouter en totalité). Sa position  devient presque incroyable de mépris pour ses ouailles (« dans la position qui est la mienne, je n’ai pas besoin de défiler« ). On suppose qu’avec un tel sens du leadership, Mgr Vingt-Trois aurait accompagné les chrétiens dans l’arène, du haut des gradins en leur faisant un aimable coucou de la main !

Ce clerc pense toujours « atteindre le pouvoir politique« , alors que le réel lui démontre le contraire de façon flagrante. Ses interventions publiques ont été de véritables camouflets : le rendez-vous pris avec le Premier Ministre a duré 10 minutes, celui avec le Garde des Sceaux mentionnait un « entretien avec André XXXIII », et la pantalonnade de l’Assemblée Nationale a consisté en un foutage de gueule aussi monumental qu’un procès sous Caucescu. Ce jongleur de la  dialectique a même exaspéré les plus ouverts des journalistes, alors que ce sont ses premiers relais, c’est dire !

Mgr Vingt-Trois affirme être à la tête de la guerre sur le mariage. Quelle présomption ! Car on pourrait déjà lui reprocher un premier échec dans ce « bouleversement de civilisation » après ses inaudibles interventions pré-électorales (déjà, en janvier sur RTL) ainsi que l’absence quasi-totale d’appel à la prière (le 15 août avait l’ampleur d’une souris en démonstration de force au cirque Pinder). Enfin, il lui suffira de lire ici et là, notamment sur ce site, les divers avis -certes biens amateurs- pour qu’il note qu’il n’est qu’un messager, et que nous attendons un leader.

Là où l’évidence était de dire « je participerai à la manifestation du 13 janvier avec mes frères », Mgr Vingt-Trois a commis un gravissime erreur de rhétorique -cet autre nom de la communication-. A ce niveau, c’est en coupable : les reprises dans les journaux -qui comptent tant pour nos contemporains, qu’on le veuille ou non- en sont pathétiques. Méconnaître à ce point le monde journalistique, c’est déjà pactiser avec le diable…

« Ne pas participer » mais « venir saluer les manifestants« , revient à avouer son incapacité de dire vrai et de comprendre les mécanismes les plus simples du cœur de l’homme ? Ne voit-on pas combien le réel est méprisé, combien est flagrante la volonté de déshumanisation profonde de ce même réel ? De telles positions qui se veulent celles d’un chef subtil sont en fait celles de l’absence d’un prophétisme de feu et de convictions. Nous restons dans un intellectualisme de salon là où il faut des missionnaires de la charité. Nous stagnons dans la parlotte là où nos compatriotes attendent la vérité. Nous sommes dans le discours rationnel et positiviste là où il faut l’amour inconditionnel et l’attachement au Christ. Il est en effet des moments où la vérité des choses ne peut s’embarrasser de fioritures et demande soutien, clarté, lisibilité.

Engoncé dans un volontarisme glacial (cf « Quelle société voulons-nous ? »), incapable de savoir que, très fondamentalement, l’homme ne se meut en vérité que parce qu’il aime et est aimé, tétanisé au point d’être incapable de parler de charité, méprisant son Dieu au point de n’en pas parler ni même de souhaiter un Joyeux Noël pendant l’heure de radio (RTL, 23/12), ce pasteur de l’intellect continue l’enterrement de première classe que les errements post-conciliaires nous avaient réservés.

Enfin, à cibler uniquement la problématique de la filiation en évitant celle de l’homosexualité, qui devrait être autant dénoncée que l’avarice des pouvoirs de l’argent ou que l’égoïsme festif, Mgr Vingt-Trois a agi au moins avec une légèreté coupable, ce que je pense être celle d’une imposture satanique, d’une manipulation des consciences dans un errement mortifère.

Nous nous rendons sur le Chemin des Dames, comme en 1999 avec le PACS, pleurant non la chute de cette société mortifère, mais bien celle de l’Eglise, tout au moins pour un temps, espérant en Dieu seul ensuite.