Pollution à la dioxine de l’incinérateur de Gilly-sur-Isère : le responsable est l’exploitant en titre

Publié le 27 décembre 2012 par Arnaudgossement

L’année 2012 aura été marquée par l’épilogue d’une affaire qui intéresse le droit de l’environnement en général, des ICPE et des déchets en particulier : la pollution à la dioxine de l’incinérateur de déchets de Gilly-sur-Isère. L’arrêt rendu ce 21 novembre 2012 par la Cour d’appel de Chambéry retiendra notamment l’attention des industriels, des professionnels du déchet mais aussi des élus locaux.


L’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry peut être téléchargé ici.
L’arrêt rendu ce 21 novembre 2012 par la Cour d’appel de Chambéry est d’une importance particulière pour les polices des déchets et des ICPE.
En résumé, la Cour d’appel de Chambéry a rappelé que le responsable de premier rang du dysfonctionnement éventuel d’une ICPE est bien « l’exploitant en titre », soit le titulaire de l’autorisation d’exploiter ICPE. Ce compris lorsque le titulaire de cette autorisation est une personne publique – un EPCI en l’occurrence – qui délègue la gestion de l’ICPE à un tiers personne privée. Le principe, parfois oublié, est bien celui de la responsabilité de l’exploitant en titre.
Plus précisément : ne peut être poursuivi  en  qualité  d'auteur  principal  du délit  d'exploitation  d'une  installation classée sans autorisation, un tiers qui n’est pas titulaire de l'autorisation administrative.
L’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry doit amener toutes les collectivités territoriales qui ont délégué l’exploitation d’une ICPE a s’investir bien davantage dans son fonctionnement et sa surveillance : la délégation de l’exploitation ne vaut pas délégation de la responsabilité pénale. Les industriels pour leur part, veilleront à toujours tenir dûment informée la personne publique titulaire de l’autorisation d’exploiter.
La Cour d’appel de Chambéry définit ainsi la notion d’exploitant :

« Appliqués à l'exploitation d'une installation classée, ces critères reviennent à considérer comme exploitant toute personne physique ou morale qui détient un titre d'exploitation lui permettant de mettre en service une installation classée et qui exerce, de façon indépendante, une activité conduite grâce à un titre d'exploitation ».

Cette définition combine donc deux critères : le critère tiré de la qualité de titulaire de l’autorisation d’exploiter et le critère  - non pas alternatif mais complémentaire – tiré de l’indépendance de l’exploitant.
Au cas présent, non seulement le syndicat intercommunal était resté titulaire de l’autorisation d’exploiter ICPE, mais, de plus, il avait conservé le pouvoir de direction et de contrôle de l’usine d’incinération.
Conclusion : la Société N. ne peut être l’auteur du délit d’exploitation non conforme d’une ICPE:

« Le SIMIGEDA, titulaire de l'arrêté d'exploitation de l'usine de GILLY-SUR­ ISÈRE, était donc l'unique exploitant en titre et en fait de l'installation en sorte qu'il ne peut être reproché à la SAS N., qui n'avait pas la qualité d'exploitant, d'avoir fait fonctionner, sans y être autorisée, une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation ».

Cet arrêt rendu par la Cour d’appel de Chambéry démontre une convergence des jurisprudences des juridictions administrative et répressive s’agissant de l’identification du débiteur de l’obligation d’exploitation conforme et de remise en état d’une ICPE : l’exploitant en titre est le débiteur de premier rang de l’obligation de respect de l’arrêté préfectoral d’autorisation et, partant, l’auteur éventuel d’un délit de non-respect de cet arrêté (cf. CE, 6 décembre 2012, Société Arcelormittal France, n°333977 ; CE, 29 mars 2010, Communauté de communes de Fécamp, n°318886).
Au cas présent, la Cour d’appel de Chambéry n’a pas jugé que la pollution à la dioxine n’avait pas été réalisée. Elle n’a pu que constater que l’action publique était dirigée, d’une part contre une personne publique disparue (le syndicat intercommunal), d’autre part contre une personne qui n’était pas l’exploitant en titre et qui, au surplus, ne pouvait exploiter de manière indépendante cette UIOM.
Arnaud Gossement

Avocat associé - docteur en droit

http://www.gossement-avocats.com