Usurpation d'identité, ou comment le marketing des fabricants d'alcool attire les jeunes mineurs à s'initier à l'alcool puis à augmenter peu à peu leur consommation. C'est ce que tente de décrypter cette étude de la Brown University qui dénonce une association significative entre ce marketing ciblé sur la personnalité et l'identité des Jeunes et la pratique du binge drinking. Les conclusions, publiées dans l'édition du 16 décembre de la revue Alcoholism: Clinical & Experimental Research mettent ainsi en évidence les 2 leviers des marchands d'alcool sur la cible Jeunes, l'identification au buveur et l'allégeance à la marque.
Les auteurs ont effectué l'analyse des données d'une étude américaine sur 1.734 participants dont 882 hommes et 852 femmes, recrutés il y a une vingtaine d'années et interrogés sur leur exposition à un certain nombre d'outils marketing pour la promotion de l'alcool, dont la publicité télévisée, l'internet ou le cinéma, la pub préférée pour un alcool, les marques mémorisées... Les relations entre ces différentes données et la consommation d'alcool ont été évaluées, ainsi que les modes d'influence de ces différents outils marketing. Les auteurs montrent que chez les jeunes,
· une plus grande réceptivité à la publicité pour l'alcool est associée à une consommation excessive d'alcool soit une consommation fréquente de plus de 5 boissons alcoolisées d'affilée
· cette association est liée, au moins en partie, à un phénomène d'auto-identification comme buveur averti ayant sa marque préférée d'alcool.
Le lien marketing-consommation est indépendant d'autres facteurs : Le lien entre la vente d'alcool et l'initiation / progression de la consommation d'alcool chez les jeunesmineurs est robuste, ajoute le Dr Kristina M. Jackson, professeur agrégé au département des sciences comportementales et sociales de l'Université Brown. Elle confirme une association entre l'exposition de ces jeunes au marketing des fabricants et l'abus d'alcool, aussi forte qu'avec les autres facteurs de risque comme la recherche de sensations, une faible estime de soi, l'influence de l'entourage ou encore le statut socio-économique. Cette association persiste même après ajustement avec ces autres facteurs de confusion.
Installer une relation de connivence: Des résultats d'association, mais qui suggèrent, sans surprise, une relation de cause à effet entre l'exposition à la publicité et l'abus d'alcool mais qui montrent aussi l'efficacité du concept de « proximité » dans la publicité pour l'alcool, sur cette cible des jeunes. Il s'agit d'inciter le jeune à s'identifier à un buveur déjà averti et fidèle à une marque puis d'établir ainsi une connivence dès l'expérimentation précoce, un processus qui se renforce de plus en plus, conduisant à des stades de plus en plus graves de consommation, jusqu'à la dépendance alcoolique. Les marques qui ciblent les jeunes développent ces attributs de « personnalité » grâce à des affiliations avec des modèles culturels jeunes, des événements destinés aux jeunes, des tendances, des films ou des manifestations sportives pour s'ancrer dans une image « jeune ». En conclusion, écrivent les auteurs, elles exploitent l'identité des adolescents. Les marques tirent parti d'éléments cognitifs qui peuvent exister même chez les très jeunes qui de buveurs expérimentaux deviennent des habitués du binge drinking ».
Source: Alcoholism: Clinical & Experimental Research (ACER) online: 19 DEC 2012 DOI: 10.1111/j.1530-0277.2012.01932.x Alcohol Marketing Receptivity, Marketing-Specific Cognitions and Underage Binge Drinking