Un décret publié hier matin au Journal officiel confirme le relèvement du plafond des dépôts sur le livret A annoncé par le gouvernement la semaine dernière. Celui-ci est donc porté à 22 950 € à compter du 1er janvier 2013.
Par Thibault Doidy de Kerguelen.
Soutenir l’épargne populaire ?
Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer dans des articles précédents, ce ne sont certainement pas les classes populaires, directement soumises aux hausses des prix, à la perte d’emploi, à l’inexorable diminution des prestations sociales, à la précarité des emplois restants qui peuvent augmenter leur épargne disponible. Seuls 7% des livrets étaient au plafond et 30 millions de ces livrets présentaient un solde créditeur inférieur à 150€.
Les détenteurs qui suivent l’augmentation du plafond sont relativement aisés et déshabillent Pierre pour habiller Paul. En l’occurrence les contrats d’assurance vie se vident pour remplir les livrets A. Ce faisant, l’État se prive de recettes sociales (CSG/CRDS auxquelles les intérêts de livrets A ne sont pas soumis) et de recettes fiscales (PLF et IRPP auxquels les intérêts des livrets A ne sont pas soumis).
Quand bien même les classes populaires réussiraient à épargner sur leurs livrets A, cela irait à contre-courant des espoirs keynésiens du gouvernement, fervent adepte de la relance par la consommation. Nous sommes donc bien à contresens.
Financer le logement social ?
Le financement du logement social ? C’est la thèse officielle. Le problème, c’est que le contexte des marchés veut qu’actuellement les offices HLM ou les sociétés d’investissement dans le logement social lèvent des fonds à un taux moindre que les 2,25% du livret A ! C’est dire que si le gouvernement les oblige à utiliser les avoirs des livrets d’épargne pour financer les plans de développement du logement social, cela reviendra plus cher que d’utiliser les levées adossées sur les obligations d’État… La belle affaire !
Soutenir les banques ?
L’augmentation du plafond profite-t-elle aux banques ? Même pas, je dirais même surtout pas. En effet, comme le remplissage des livrets A se fait au détriment d’autres investissements et que les banques ne peuvent utiliser librement ces encours qui sont réglementés par l’État, l’augmentation du plafond du livret A assèche les liquidités des banques désormais soumises aux normes prudentielles de Bâle III.
65% des sommes placées sur le livret A étant gérées par la Caisse des dépôts (CDC), avec ces transferts, on déporte de l’épargne bilancielle vers de l’épargne réglementée dont les banques ne captent plus que 35% de l’encours. On accroît ainsi leur problématique de solvabilité.
Emprunter aux Français sans le dire ?
Alors ? Alors le seul intérêt que l’État peut trouver dans cette augmentation du plafond est une sorte d’emprunt national qui ne dit pas son nom. En effet, l’État n’est pas tenu d’utiliser les fonds collectés uniquement pour le logement social. Par le biais du fonds d’épargne de la CDC alimenté par le livret A, il peut financer bien d’autres projets comme la BPI ou des équipements de collectivités locales.
Dès lors, après avoir lourdement critiqué l’emprunt national de Sarkozy, le gouvernement socialiste œuvre dans le même objectif de « nationaliser » la dette sans pour autant utiliser le même vecteur. En un petit peu plus dangereux tout de même, car si les Français sont prompts à retirer leurs avoirs d’autres contrats pour les ramener sur des livrets A, ils peuvent être aussi prompts à faire le chemin inverse…
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